À sept mois de la présidentielle, le gouvernement malgache a interdit, au nom de la sécurité, les rassemblements politiques publics. Mais le président et le gouvernement ne sont pas concernés par cette interdiction.
C’était le 31 mars dernier. Sur l’antenne de la télévision publique nationale, le ministre malgache de l’Intérieur faisait une annonce importante : il expliquait qu’il serait désormais interdit de tenir des manifestations à caractère politique dans des lieux publics. Autrement dit, des réunions politiques peuvent se tenir dans des endroits clos, mais pas question de faire un meeting, au risque de troubler l’ordre public.
Si, selon le ministre,« cette mesure s’applique à tous les partis politiques et à tous les parlementaires », il n’en est rien pour les membres de l’exécutif. Alors que se profile la présidentielle dans sept mois, le pouvoir malgache est donc en train de mettre en place des règles du jeu déséquilibrées. Si la décision n’est pas annulée, la campagne tournera donc rapidement en faveur du président Andry Rajoelina.
Pour le ministre de l’Intérieur, cependant, il n’y a aucun mal à ce que cette décision ne concerne pas l’exécutif, qui, selon ses propres mots, a « besoin de rencontrer et d’écouter la population ». Mais indéniablement, il s’agit là d’une violation des libertés publiques. Le ton se durcit à Madagascar, où le pouvoir en place s’en est pris — fait extrêmement rare — à un journal critique vis-à-vis de lui.
« Aujourd’hui on s’achemine vers la dictature »
Andry Rajoelina serait-il en train de serrer la vis et de mettre fin aux libertés individuelles ? Cela y ressemble… et inquiète jusqu’aux chancelleries occidentales. Ce mardi, huit ambassades dont la délégation de l’Union européenne, les États-Unis, le Japon ou encore le Royaume-Uni, ont rappelé au président malgache que « la possibilité d’exprimer librement ses opinions politiques est l’un des fondements de la démocratie ».
Pour la communauté internationale, ce droit « est inscrit dans la Constitution de Madagascar, mais aussi dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui a été également signé par Madagascar en 71, donc l’annonce de monsieur le ministre, qui interdit les manifestations à caractère politique dans les endroits publics va à l’encontre de ces deux textes-là ».
Les diplomaties étrangères reprochent, entre autres, qu’il soit mis en place « une exception » pour les membres du gouvernement et jugent cette décision « discriminatoire ». Elles craignent que « le climat politique à l’approche de l’élection présidentielle » se tende un peu plus.
Du côté de l’opposition également, l’inquiétude est de mise. Pour Hajo Andrianainarivelo, ancien ministre de Rajoelina, « c’est un déni de démocratie. (…) La Constitution n’est plus respectée. Comment voulez-vous avoir confiance aux futures échéances si dès maintenant le gouvernement fait tout pour empêcher la voix des partis politiques et de la société civile de s’exprimer ? Ce qui intéresse ce régime, c’est de rester en place. Rien ne les arrête. Et aujourd’hui on s’achemine vers la dictature. C’est extrêmement grave ».