Transparency International pointe un système de détournement des aides humanitaires à Madagascar et de corruption. Des denrées destinées aux populations seraient notamment revendues sur les marchés.
C’est peut-être le début d’un scandale international. Transparency International, via son réseau Malina, sa cellule d’investigation, dénonce de possibles détournements d’aides humanitaires destinées à Madagascar. L’enquête de l’ONG « met en exergue les contraintes, infractions et pratiques de corruption qui entachent la gestion de ces aides, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour la population sur les malversations liées à la réponse au kere dans le Grand Sud malgache ». Dans une vidéo d’une trentaine de minutes, Malina décrit ce qui ressemble à un scandale de grande ampleur.
Le kere, c’est le nom donné à la famine endémique du sud de Madagascar. La faute à une sécheresse qui dure désormais depuis quatre ans et qui menace des centaines de milliers de Malgaches. Selon RFI, 1,5 million d’habitants sont en situation d’insécurité alimentaire dans cette partie de l’île. Parmi les régions les plus touchées, le district d’Ambovombe. Là-bas, comme ailleurs, on se demande où sont passées les aides destinées à lutter contre la famine.
Et ces aides ne sont pas seulement financières. Des denrées — riz, légumineuses, huile, etc. — ont également été détournées, selon l’ONG qui a étudié la période septembre 2022-mars 2023. En cause, les aides assurées par le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds d’Intervention pour le développement. En Éthiopie déjà, des dysfonctionnements avaient conduit le PAM à suspendre ses activités. Cette fois, donc, c’est à Madagascar que les potentiels détournements ont été constatés.
Un véritable système, déplore Malina. « Les détournements sont de différentes formes, explique la direction de la cellule. Par exemple, on a les personnes qui sont manutentionnaires, qui déplacent les sacs de riz, qui en prélèvent. On a aussi des autorités qui donnent des fausses cartes d’identité pour que des personnes puissent avoir accès aux aides humanitaires ». Pour l’ONG, « c’est tout un enchaînement de petits maillons qui détourne complètement la marchandise vers d’autres personnes et on se retrouve avec des sacs de riz qui sont vendus sur la place du marché alors que normalement ce sont des sacs de riz qui auraient dû être distribués aux gens ».
Des denrées prévues dans le cadre des aides humanitaires seraient donc revendues. Pire encore, des aides financières sont volées. « Nos témoins dénoncent aussi le fait qu’ils soient dépouillés de ces aides une fois qu’ils touchent les sommes », explique Transparency International Initiative Madagascar. Les témoins, déplore l’ONG, risquent des représailles pour avoir dénoncé un vol systémique, des détournements et des actes de corruption. Le risque ultime étant que les aides soient désormais annulées. L’ONG « appelle les pouvoirs publics et tous les responsables, notamment les agences humanitaires, à regarder cette situation de près, à prendre des mesures concrètes pour améliorer les pratiques ».