Les législatives françaises se sont conclues par une situation inédite dans l’Histoire de France : le mouvement du président a été battu, mais aucune majorité absolue ne se dessinera à l’Assemblée nationale. Emmanuel Macron est-il encore un interlocuteur crédible pour ses homologues africains ?
Le second tour des législatives françaises s’est terminé par une claque pour la majorité présidentielle « Ensemble » d’Emmanuel Macron. Le chef d’Etat français est le premier président de la Ve République française à être démuni d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Si la coalition de gauche, la NUPES de Jean-Luc Mélenchon, n’a pas non plus obtenu une majorité absolue, une situation inédite règne sur la politique française.
Alors, certes, Mélenchon n’accèdera probablement pas à la primature française, mais cela pose un vrai problème pour l’actuelle Première ministre Elisabeth Borne. Si elle ne réunit pas assez de députés (60) en soutien au président français, toujours plus impopulaire, Borne devra démissionner de son poste. Ou alors, elle devra faire beaucoup de concessions au sein du gouvernement français.
Ce serait d’ailleurs la meilleure porte de sortie pour Macron et son entourage. Ce qui est certain, c’est qu’avec une scène politique française disparate, Macron risque d’échouer à gouverner son propre pays. Certainement plus occupé à sauver son mandat, Macron devrait être moins préoccupé par les pays africains lors de ces cinq prochaines années.
Un président brouillon
Vu d’Afrique, Macron rappelle beaucoup Sarkozy. Président clivant, va-t-en-guerre et mal conseillé sur la diplomatie africaine. Après s’être mis à dos le Mali, au point de l’isoler, Macron est considéré également persona non grata par le Burkina Faso ou la Guinée. De plus, il maintient des relations houleuses avec l’Algérie, le Maroc, le Gabon, le Congo, la Tunisie ou encore le Togo. En réalité, hormis le Niger et le Tchad, la « Françafrique » est de plus en plus un lointain souvenir, bousculée de partout par les diplomaties chinoise, turque et russe, entre autres.
L’historien camerounais Achille Mbembe, pourtant à l’origine du nouveau format du Sommet Afrique-France, n’a pas manqué de critiquer la politique africaine de Macron. Mbembe estime que Macron n’aime pas les « questions qui gênent des intellectuels africains critiques », car « Ils risquent de remettre publiquement en cause les trois piliers de la politique française — le militarisme, le mercantilisme et le paternalisme mâtiné, comme toujours, de racisme ».
Lire : Macron : de quoi cette gifle est-elle le nom ?
Ce qui amène à une autre question : que savent les Africains de Macron ? Son prédécesseur François Hollande, inconnu au bataillon. Nicolas Sarkozy ? Il symbolise la guerre en Libye et la poussée du CAC 40 en Afrique francophone. Mais Macron, lui, est surtout connu pour être l’ennemi juré du gouvernement malien.
Outre le dossier malien, c’est le président français qui a poussé le Gabon et le Togo dans les bras du Commonwealth, limitant grandement la mobilité des Africains vers la France. Emmanuel Macron est également le président qui s’est fait gifler, et qui, en parlant des femmes africaines, a simplement déclaré : « Montrez-moi une femme éduquée qui décide d’avoir 7, 8 ou 9 enfants ».
Et vis-à-vis de ses homologues africains, Emmanuel Macron est également celui qui les a mis sur la touche lors du Sommet Afrique-France.
Macron condamné à gérer les affaires internes ?
Une « approche ankylosée des relations franco-africaines » selon le journaliste Mehdi Ba. Si, durant le quinquennat laborieux qui se présente devant Emmanuel Macron — encore faut-il qu’il arrive à convertir 60 députés pour former un gouvernement en France —, il décide d’opiner, comme à son habitude, sur la politique des pays africains, sera-t-il crédible ?
Lire : Sommet Afrique-France : Macron et les 40 Burkinabés
Vendredi dernier, dans une tribune intitulée « Macron aux Africains : ‘Je ne vous ai pas compris’ », le Courrier de l’Atlas a rappelé l’inefficacité du discours de Macron envers l’Afrique. Le chef d’Etat français comparait l’Ukraine à la Libye, appelant à « collecter des preuves » sur les « crimes de guerre ».
« Il y aurait ainsi tant à dire sur le mystère sur la mort de Kadhafi, l’assassinat de Thomas Sankara, les massacrés du Rwanda, les victimes des nombreux coups d’Etat ou des parachutages de ‘préfets’ français à la tête d’Etats africains, l’intervention musclée des troupes d’élites françaises pour mater des populations mécontentes et venir après réclamer des indemnisations des barbouzes de l’Hexagone comme ce qui s’est passé avec Gbagbo en Côte d’Ivoire etc. », martèle le magazine financé par l’ancien chef du gouvernement marocain Aziz Akhannouch.
Aujourd’hui, avec la défaite de la coalition de Macron lors des législatives françaises, c’est plutôt « balayer devant sa porte » que devra faire le président français. Quant aux pays africains proches économiquement et diplomatiquement de l’Hexagone, il leur faudra s’attendre, sans doute, à négocier avec un président qui ne peut rien faire voter à son Parlement.
Pour certains, ce sera l’occasion de souffler et de s’extirper des pressions françaises. Pour d’autres, le moment de miser sur d’autres alliés plus à même de travailler sur une vraie coopération bilatérale.