Alors que les manifestants libyens prônent la « désobéissance civile », exigeant la démission de tous les responsables politiques, Saïf al-Islam Kadhafi a proposé deux solutions à la crise.
Cela fait une semaine que la grogne populaire ne cesse de croître en Libye. Les manifestations ont éclaté vendredi dernier à Tobrouk — où le siège du parlement a été incendié —, Syrte, Misrata et jusqu’à Tripoli. Un mouvement autonome, massif et qui dépasse les divisions Est-Ouest des élites libyennes.
Les manifestants ont exigé la démission de tous les responsables politiques, en particulier les chefs du législatif Aguila Salah et Khaled al-Michri, ainsi que les deux chefs de gouvernement rivaux Abdel Hamid Dbeibah et Fathi Bachagha.
Les quatre personnages n’ont pas trouvé de soutien auprès des chancelleries occidentales, ni même de l’Organisation des Nations unies (ONU) — António Guterres et son envoyée Stephanie Williams ont qualifié d’« illégitimes » tous les ténors de la politique libyenne.
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Le chef du Conseil présidentiel Mohammed el-Menfi a proposé une feuille de route. Elle sera « discutée lors de consultations urgentes avec les acteurs politiques » afin de « mettre en place la fin de la transition via les élections ». Une proposition qui peine à convaincre, alors que le trio présidentiel libyen est aux abonnés absents.
D’un autre côté, l’héritier du « Guide de la révolution », Saïf al-islam Kadhafi, est sorti de son silence pour la première fois depuis février. Dans un communiqué, Kadhafi a proposé deux solutions pour trouver une sortie « pacifique à la crise dangereuse que vit la Libye aujourd’hui ».
عاجل > النص الكامل لبيان مبادرة المترشح #سيف_الاسلام_القذافي بشأن تشكيل جهة محايدة تضع قانون انتخابي غير اقصائي او انسحاب كل المرشحين للرئاسة ممن يراد اقصائهم وبشكل جماعي بما فيهم هو ، وذلك كمحاولة أخيرة لحل سلمي ، وفقًا لنص البيان . #ليبيا #العنود pic.twitter.com/QrhtVUzPpo
— صحيفة العنود الليبية (@Anoud_Libyan) July 5, 2022
Pour Saïf al-Islam Kadhafi, c’est tout ou rien
En préambule, Saïf al-Islam Kadhafi constate que « la réalité est qu’aujourd’hui, tous s’accrochent au pouvoir pour les gains matériels et moraux qu’ils ont obtenu depuis leur accès aux positions souveraines de l’Etat libyen ». « Cela est clair pour le peuple libyen et pour la communauté internationale », poursuit-il.
Il rappelle ensuite que, si « personne ne fait de concessions », la Libye connaitra « des catastrophes et des évènements graves ». Saïf al-Islam Kadhafi propose ensuite deux issues à la crise. La première est qu’une « partie neutre » mette en place des « règles juridiques et administratives ». L’objectif, selon Saïf al-Islam Kadhafi serait « des élections présidentielle et législatives urgentes, non-exclusives, où tout le monde participe peu importent les considérations ou les facteurs ».
La seconde solution pour Saïf al-Islam Kadhafi, serait « que toutes les personnalités se retirent du processus électoral collectivement et sans exception ». Et qu’une élection présidentielle se tienne ensuite.
Saïf al-Islam Kadhafi assure que « si cela ne se réalise pas, la mascarade se poursuivra » et la Libye « continuera sur la voie des larmes et du sang ». Des déclarations qui ont eu beaucoup de répercussions, pas seulement sur les réseaux sociaux, mais également dans les rues libyennes. Des affiches arborant des photos de Saïf al-Islam Kadhafi, accompagnés du slogan « Nous serons toujours pour la Libye et son peuple », poussent par milliers dans les rues de Libye.
صور|| بعد طرحه لمبادرته وعزمه الانسحاب من سباق الانتخابات الرئاسية.. صور المرشح الرئاسي سيف الإسلام القذافي تنتشر بشكل كبير في مدينتي #العجيلات و#صبراتة جنوب العاصمة #طرابلس. pic.twitter.com/WSLVWLvnKY
— وكـالـة وادي دينـــار الإخبـــارية (@wady_dynar) July 7, 2022
Bruits de bottes dans les ambassades occidentales et à l’ONU
Les politiciens libyens ne prennent pas la « solution Kadhafi » au sérieux, et les analystes l’estiment « irréaliste », sans vraiment donner de raisons. Mais c’est surtout du côté des ambassades occidentales que les réactions varient, des moqueries au dédain.
Mais justement, si les « non-élus » libyens se rendent compte aussi qu’ils sont sur la sellette, ils ne sont pas les seuls. Un gros remaniement diplomatique occidental se joue actuellement en Libye. L’ambassade française, qui planifie sa réouverture, nommera un nouveau représentant à la place de l’ambassadrice Béatrice Le Fraper du Hellen. Selon Africa Intelligence, son numéro 2, Bruno Pereira da Silva, est également exclu en raison de sa récente adhésion à l’administration de Catherine Colonna au Quai d’Orsay.
Le site d’investigations a également mis en lumière l’implication des deux diplomates français dans l’alliance Aguila Salah-Fathi Bachagha-Admed Miitig, qui avait été populaire après la nomination de Bachagha comme Premier ministre, mais se serait ensuite effritée à cause de son échec à prendre Tripoli.
Quant aux Etats-Unis, l’ambassadeur Richard Norland quittera également son poste. Il sera remplacé par son numéro 2 Leslie Ordeman, un vétéran de l’OTAN et de la mission américaine aux Nations unies.
Du côté de l’ONU, justement, le départ de la cheffe de la Manul Stephanie Williams est imminent. L’envoyée des Nations unies avait prévu de partir le 30 juin. Mais il semblerait que le Secrétaire général de l’ONU António Guterres ait beaucoup de mal à choisir son remplaçant.
Une première proposition, en mai dernier, était celle de l’ancien chef de la Minusma Mongi Hamdi (Tunisie). Toutefois, ce dernier aurait été refusé par les ambassadeurs français et britannique. Ensuite, la candidature de l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères Sabri Boukadoum a été bloquée par un lobbying des Emirats arabes unis. Affaire à suivre, donc.