En Libye, les deux Premiers ministres rivaux, Abdel Hamid Dbeibah et Fathi Bachagha, intensifient leurs efforts pour rallier les pays voisins à leurs causes respectives. Pendant ce temps, les pays occidentaux sont de plus en plus inquiets depuis la suspension des exportations de pétrole.
La guerre froide entre Dbeibah et Bachagha en Libye devra, désormais, être résolue par les acteurs de la scène internationale. Jadis, il suffisait que les pays entretenant des intérêts en Libye arrivent à un accord dans les couloirs de l’ONU ou lors d’un quelconque sommet. Mais on est désormais loin d’un possible consensus. L’occasion pour la Libye de progressivement retrouver sa pleine souveraineté. Mais à quel prix ? Les évènements font qu’aujourd’hui encore, l’est et l’ouest libyens sont à deux doigts de la confrontation armée.
Depuis la fin de la dernière guerre civile, l’armée libyenne s’est suffisamment organisée pour empêcher cette hypothèse. De plus, les puissances mondiales ont les yeux rivés vers d’autres théâtres. Le seul enjeu aujourd’hui, qui pousse les diplomaties étrangères à faire du lobbying pour résoudre « l’impasse des deux Premiers ministres » qui n’a fait que trop durer, est celui du pétrole.
Depuis deux mois, presque, les exportations de pétrole libyen sont au point mort. D’un côté, Fathi Bachagha et ses alliés — l’ANL de Khalifa Haftar et le parlement de Tobrouk — contrôlent la National Oil Corporation (NOC) régissant la production et la part de chacun dans l’or noir. De l’autre, l’inamovible Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah, en tant que chef du gouvernement, compte sur le ministère du Pétrole et les autorités portuaires pour le conforter à son poste, et peut se targuer d’un grand soutien auprès des conseils tribaux du sud et de l’ouest du pays.
Opérations de lobbying en cours
En d’autres termes, les deux rivaux bloquent délibérément la production et les exportations de pétrole. Bachagha comme Dbeibah ont fait appel à plusieurs alliés nationaux, puis régionaux et internationaux. Un chantage qui a obligé toutes les parties prenantes à modérer leurs attentes, et adoucir leurs discours.
L’ambassade américaine a fustigé fin avril les « dégâts à l’économie libyenne » infligés par la position des responsables libyens. Elle a appelé à trouver un compromis pour éviter que « les revenus pétroliers puissent être utilisés à des fins politiques partisanes » et à une « fin immédiate de l’embargo sur le pétrole ».
La mission de l’ONU, la Manul, dirigée par l’Américaine Stephanie Williams, ne cesse de tomber en disgrâce aux yeux des puissances mondiales à cause de son incompétence dans le pays. De la Russie à l’Italie, en passant par la France, la Turquie et les Etats-Unis, le discours des diplomates relève un certain manque de confiance en la capacité des Nations unies à résoudre l’impasse politico-pétrolière, alors que le monde connait une crise dans ce secteur et que l’Europe convoite le pétrole libyen.
Stephanie Williams poussée vers la sortie
Entrent en scène d’un côté l’Egypte, et l’Algérie de l’autre. Si l’Egypte a été le premier pays voisin à prendre part dans le conflit opposant Bachagha et Dbeibah, depuis la nomination de Bachagha par le parlement de l’est, l’Algérie est moins hésitante. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait annoncé, après la dernière visite de Dbeibah à Alger, le soutien de l’Algérie envers le gouvernement libyen.
« On l’a dit et on le répète, il n’y a pas de solution en Libye sans le retour au peuple. Quand il y aura des élections parlementaires, un conseil national libyen, à ce moment-là, la Libye retrouvera sa légitimité populaire », a déclaré Tebboune.
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De son côté, l’Egypte a accueilli un sommet des deux chambres parlementaires libyennes, représentant l’est et l’ouest, qui s’était conclu le 20 avril dernier. Cependant, la partialité de l’Egypte a forcé les parlementaires de la tripolitaine à quitter le sommet sans solution. Le Caire a dirigé sa colère vers l’onusienne Williams. Selon plusieurs médias, l’Egypte cherche actuellement à mobiliser « certains pays africains » pour présenter « un candidat à la succession de Stephanie Williams ».
En effet, Williams qui a failli à tenir ses promesses de trouver un consensus entre les belligérants libyens, avait été nommée comme dirigeante par intérim de la Manul par le secrétaire général des Nations unies António Guterres. Et ce, malgré le refus catégorique de la Turquie, la Russie, et les responsables politiques libyens.
Avec Williams sur la sellette, donc, la date des élections parlementaires — en théorie juin — promises par Dbeibah approche. De son côté, le parlement de Tobrouk permet à Bachagha de diriger l’est du pays. Un territoire contrôlé militairement par Khalifa Haftar, inquiété par la justice américaine sur fond de crimes de guerre, et politiquement par Aguila Salah, le chef du même parlement.