A dix jours de l’élection présidentielle libyenne prévue le 24 décembre, les forces du candidat Khalifa Haftar ont pris d’assaut la ville de Sebha dans le sud de la Libye.
La brigade Tariq Ibn Ziyad, affiliée à l’Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar, a attaqué la ville de Sebha, chef-lieu de la région du Sud Fezzan. Un assaut meurtrier, qui a fait un mort et deux blessés, tous appartenant à la brigade 116, affiliée au Conseil présidentiel de Mohammed el-Menfi.
Les victimes faisaient office de policiers dans la région et représentaient l’Etat. L’attaque de Haftar, bien que loin d’être inhabituelle, est la première à être meurtrière et urbaine, depuis 2020.
Haftar serait-il conscient qu’avec l’élection, désormais menacée d’être reportée, ses chances de prendre le pouvoir légalement sont très minces ? Sans aucun doute. Cette attaque, la seconde dans la ville de Sebha, vise avant tout le pré-carré de Saïf al-Islam Kadhafi, fils du défunt « Guide de la Révolution » Mouammar Kadhafi.
Il y a quelques semaines, la même brigade de Haftar, Tariq Ibn Ziyad, avait assiégé le tribunal de Sebha afin d’empêcher les avocats du fils Kadhafi de s’opposer au retrait de sa candidature à l’élection présidentielle.
A la tête de l’escouade, le second du fils de Khalifa Haftar Saddam, Mabrouk Sahban. Saddam Haftar, lui, est habitué de faire les besognes les plus délicates pour son père. Il lui a d’ailleurs succédé à la tête de l’ANL après sa démission, lorsque le maréchal a décidé de battre campagne pour l’élection présidentielle.
Tripoli reste silencieuse
Dans une correspondance transmise au ministère de l’Intérieur, la Direction de la sécurité de Sebha a indiqué qu’une équipe d’officiers de la brigade 116 était chargée de recevoir onze nouveaux véhicules tout-terrain envoyés à la police de Sebha par le ministère de l’Intérieur, lundi.
« Lorsque l’escouade ramenait les nouveaux véhicules à Sebha, un groupe armé fidèle à Haftar sous le commandement de Mabrouk Sahban a attaqué la police dans la zone de Qira, dans la municipalité de Shati, et a emmené les véhicules et les officiers à la base Brak (le QG des opérations sud de Haftar), a indiqué la Direction de la sécurité.
La matinée suivante, donc, la même troupe a pris d’assaut la ville. Les hommes de Haftar ont directement tiré sur les policiers. Les médias locaux ont déclaré que les écoles et les services publics resteraient fermés dans la ville. Du côté du gouvernement, aucune réaction. La présidence libyenne, elle, n’a émis aucun communiqué quant aux victimes dans les rangs de la brigade 116.
Haftar, le maréchal va-t-en-guerre
Haftar avait saisi en 2019 une grande partie du sud de la Libye, notamment des infrastructures pétrolières et des sites militaires, avant de lancer un assaut sur la capitale, Tripoli, à 650 kilomètres au nord. Les forces libyennes occidentales l’avaient repoussé, grâce notamment à l’appui militaire turc, mais Haftar avait conservé une présence armée dans le sud.
Un cessez-le-feu officiellement signé en octobre 2020 a ouvert la voie à un processus politique dirigé par l’ONU pour mettre en place un gouvernement d’unité intérimaire chargé de diriger la Libye jusqu’aux élections — auxquelles Haftar est candidat, malgré ses déboires judiciaires.
Peut-on considérer, aujourd’hui, à la suite des agressions successives de Haftar dans plusieurs villes libyennes, que le maréchal de l’est a rompu le cessez-le-feu ? Et, surtout, que signifie l’attaque de Sebha pour la candidature de Haftar ?