La visite à Ankara d’Abdel Hamid Dbeibah, en compagnie d’une délégation de 14 ministres et responsables libyens, a porté ses fruits. Plusieurs accords ont été signés entre la Libye et la Turquie, comprenant un accord sur la délimitation maritime en Méditerranée orientale.
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a reçu Abdel Hamid Dbeibah, lundi 12 avril, pour une visite de trois jours. L’impressionnante délégation accompagnant Dbeibah prouvait l’importance de cette visite pour le Premier ministre libyen. Les faits ont vite suivi : Sept accords de coopération sanitaire, énergétique et économique ont été signés.
La coopération entre les deux gouvernements aura aussi une dimension sécuritaire et diplomatique concernant la Méditerranée. De quoi, donc, contrarier la France et la Grèce. En tenant compte de l’arrivée de Dbeibah en Russie, ce matin à 11 heures, il semble que la Libye se dirige vers une unité nationale jamais vue depuis le début de la guerre civile.
Une unité nationale libyenne sous l’égide du Conseil de sécurité
L’accord de délimitation maritime conclu entre la Turquie et le Fayez el-Sarraj sera soutenu par le nouveau gouvernement de Tripoli, cet accord mettra tout le monde d’accord, à part l’UE. L’entente entre une Libye unifiée et la Turquie mettra fin à la tentative de la Grèce de contrecarrer les plans d’Erdoğan, et froissera sans doute l’Union européenne (UE), en particulier l’Allemagne et la France.
La semaine dernière, la Grèce a réouvert son consulat à Benghazi. La semaine d’avant, la France a réouvert son ambassade à Tripoli. Ce ratissage de terrain devait donner l’avantage à Paris et Athènes dans la guerre froide pour le contrôle de la Méditerranée orientale. Ce que l’UE en escomptait : prendre Erdoğan de vitesse et garantir la domination de la diplomatie euro-onusienne en Libye, ainsi que la continuité des contrats d’exploitation et de transport d’hydrocarbures au profit des Américains. La France craint avant tout la résurrection de l’accord de 2020 entre Erdoğan et el-Sarraj.
Du côté russe, il s’agit surtout de protéger le maréchal Haftar. Ce dernier garantit l’accord entre la Russie, la compagnie pétrolière libyenne NOC et les Etats-Unis. Ces derniers ne semblent donc pas faire partie de l’équation d’Erdoğan, mais préfèreraient sans doute être en affaire avec Ankara et Moscou qu’avec l’UE lorsqu’il s’agit de pétrole.
En guise de témoignage de son engagement envers la Libye, la Turquie offrira au nouveau gouvernement 150 000 doses de vaccin. Haftar, de son côté, aurait déjà envoyé 100 000 doses du vaccin Sputnik V à tripoli, obtenus grâce à ses alliés russes. Une carte plus monochrome se dessine sur le sol libyen. En absence de conflit, l’ONU ne verrait pas de soucis à outrepasser l’UE, surtout si ça lui permet de réduire le capital diplomatique investi en Libye (MANUL), et de contenter les Américains en même temps.
Tout le monde est content, sauf…
La Turquie, selon Erdoğan, soutiendra tous les aspects de la reconstruction des infrastructures libyennes. « En Libye, nous devons désormais nous concentrer sur la reconstruction, sur le développement et sur le bien-être de nos frères libyens », a affirmé Erdoğan lundi.
La seule condition d’Ankara, concrètement, est que Dbeibah soutienne l’exploitation pétrolière turque à l’est de la Méditerranée. C’est dans ce cadre qu’ont eu lieu les réunions entre la délégation libyenne et un large groupe de chefs d’entreprise turcs mercredi.
Cependant, le PDG de Total, Patrick Pouyanné, visitera Tripoli le 20 avril. La major française voudrait sans doute obtenir des contrats d’exploitation pétrolière en Libye. Toutefois, Total se heurtera à un paysage où il est difficile de diviser pour mieux régner. Si toutes les puissances mondiales impliquées s’accordent sur le dossier libyen préalablement, un oligarque français ne pourrait rien y faire. A vrai dire, même l’intervention de l’’Etat français ne pourrait pas déstabiliser le processus de paix entamé à Ankara.
Après l’arrivée de Dbeibah en Russie ce matin pour une visite de travail semblable à celle qu’il a conduit à Ankara, l’image devient plus claire : Le seul défi qui se présente actuellement devant Erdoğan et Dbeibah est le degré d’engagement de l’ONU envers la démarche libyenne, surtout si Tripoli intègre effectivement Haftar et la Russie dans la mouvance collective vers l’unité, et que la rencontre prévue entre des diplomates libyens et égyptiens en mai est productive.