Au Sahel, les cartes sont rebattues. Entre le sommet du G5 Sahel qui a apporté son lot de nouveautés, l’implication croissante de la Russie, des Etats-Unis et de la France, le Mali doit composer avec des terroristes qui consolident leur emprise sur le sud et le centre du pays.
Faut-il discuter avec les terroristes ? La question fâche dans de nombreux pays, et particulièrement au Mali. Fin 2019, si, officiellement, Bamako refusait de négocier avec les djihadistes, dans le centre du pays, des tentatives de médiation avec des groupes radicaux avaient été engagées. Comme au Niger et au Burkina Faso, le débat est en tout cas relancé. Le gouvernement malien vient d’émettre une idée : dialoguer avec les groupes terroristes de la zone des « Trois frontières », au sud du Mali. Pourquoi ce choix ? D’autant qu’il ne s’agit pas des seuls groupes terroristes présents dans le pays.
Un choix difficile ?
En 2012, le président Amadou Toumani Touré avait été renversé, le peuple et l’armée jugeant notamment que celui-ci avait été incapable d’arrêter l’afflux de terroristes au nord et au sud du Mali. La suite, on la connaît… Depuis, le Mali va de mal en pis, la guerre contre le terrorisme est loin d’être gagnée et la présence armée occidentale n’a fait qu’empirer les choses.
Bien que la France, dont l’armée reste la plus engagée dans la guerre contre le terrorisme au Mali, ait répété son engagement belliciste, l’action « renforcée et décisive » promise par le président Emmanuel Macron depuis son bureau parisien, durant le sommet du G5 Sahel de N’Djamena le 16 février, avance à pas de fourmi.
Le Tchad a bien promis de déployer 1 200 soldats supplémentaires dans la zone. Et le Mali, dont il est question, a recruté plus de 2 000 soldats en deux ans. L’armée du Mali avait même promis de doubler ses effectifs dans les cinq ans à venir, portant le nombre potentiel de soldats à 50 000. Cependant, sans financement français, cette promesse prend du temps à se concrétiser.
C’est dans ce contexte que, le 19 février dernier, le Premier ministre malien Moctar Ouane a assuré devant l’Assemblée nationale de son pays que « de plus en plus de voix au Mali appellent au dialogue avec nos frères qui ont rejoint des groupes radicaux ».
Qu’en pense la communauté internationale ?
Si les mots de Moctar Ouane ont été accueillis avec enthousiasme au niveau national, c’est loin d’être le cas pour ce qui est des partenaires du Mali dans la lutte antiterroriste. Le membre du Conseil national de transition (CNT) Abdoul Magid Nasser a d’ailleurs posé la question : « Les Maliens disent qu’il faut négocier avec les groupes radicaux, mais la communauté internationale est-elle d’accord ? »
La réalité du terrain incite en tout cas les autorités maliennes à poser cette épineuse question. A l’exception de Niamey, les attaques de l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS) sont nombreuses et incessantes dans toute la région, plus particulièrement à Tillabéry, Gaya et Ansongo. En d’autres termes, les fiefs du gouvernement sont encerclés par des zones de guerre contrôlées par les groupes terroristes.
L’EIGS et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à al-Qaïda s’étaient autant attaqués aux soldats et civils maliens qu’ils se sont affrontés entre eux.
Certes, le vrai danger au Mali reste l’Etat Islamique au Grand Sahara. Surtout depuis l’accord de Bamako en 2016, selon lequel les ressortissants d’Aqmi du sud algérien ne s’attaqueraient plus au Mali.
Des terroristes favorables à un dialogue avec l’Etat
Cependant le GSIM agit indépendamment des ordres d’Al Annabi, chef d’Aqmi, surtout que l’engagement envers le gouvernement malien a été conclu par ses prédécesseurs. Iyad Ag Ghali, chef du GSIM, est proche de la population peule, stigmatisée au Mali. Entre juin 2020 et février 2021, le GSIM a fait 37 victimes dans les rangs de l’armée malienne et beaucoup plus de civils.
Le GSIM avait pour sa part exprimé une volonté de négocier avec les autorités maliennes pour mettre fin au conflit, avec pour condition le retrait des forces françaises. L’indécision malienne et le conflit interne des groupes terroristes portent à croire que le Mali est plus préoccupé par la situation au sud du pays que par les états d’âme d’Ag Ghali, le chef du GSIM.
Rien que pendant la nuit du 26 février, le groupe d’Ag Ghali a fait neuf morts chez les militaires maliens. L’assaut a eu lieu à Bandiagara pendant que le ministre malien de la Réconciliation, Ismael Wagué, était en tournée dans la région.
L’attaque a été revendiquée très rapidement par le GSIM, contrairement à son habitude. Le message est clair : si le gouvernement malien ne trouve pas un accord avec le GSIM, aucune paix ne sera signée entre le gouvernement et l’EIGS.
Ces mouvements récents du GSIM sont annonciateurs du début d’une nouvelle vague d’hostilités envers le gouvernement malien et l’EIGS, si un dialogue Etat-terroristes ne débute pas.