Une étude souligne les effets positifs des accords internationaux à la fois en termes de protection du consommateur et d’ouverture commerciale.
Ces dernières décennies, l’essor du commerce international a apporté la diversité alimentaire dans nos cuisines mais aussi un risque accru de transport d’agents pathogènes. Le commerce illégal d’animaux vivants, qui représenterait entre 8 à 10 milliards de dollars par an, exacerbe encore plus cette menace.
En parallèle, le changement climatique, à l’origine de vagues de chaleur, d’inondations ou d’ouragans, met les cultures à l’épreuve. La hausse des températures offre en effet des conditions idéales pour la reproduction des parasites qui s’attaquent aux plantes et au bétail. Par exemple, les invasions de criquets pèlerins qui ont notamment touché l’est de l’Afrique en 2020 et 2021 trouvent leur origine dans des précipitations inhabituellement élevées et des inondations dans des zones précédemment épargnées par le parasite.
40 % de la production agricole perdue
L’an dernier aux États-Unis, les propriétaires et les agriculteurs du Nord-est, du Midwest, du Sud et du Sud-ouest ont également assisté avec horreur à une invasion sans précédent de Spodoptera frugiperda, ou légionnaires d’automne. Ces chenilles ont dévasté les champs de riz, de soja, de luzerne et d’autres cultures.
Les Nations unies estiment qu’environ 40 % de la production agricole mondiale est actuellement perdue à cause des parasites, tandis que les maladies des plantes coûtent à l’économie mondiale plus de 220 milliards de dollars par an.
Or, nous ne sommes pas égaux face à ce problème. Les pays riches comme les États-Unis, le Canada, le Japon et une grande partie de l’Europe occidentale, qui portent une grande responsabilité dans le changement climatique car ils ont émis 50 % de tous les gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle, ont développé de meilleures stratégies pour limiter la propagation d’agents pathogènes. Par exemple, en améliorant la production, avec la sélection génétique de variétés résistantes, ou en contrôlant le transport transfrontalier à l’aide de réglementations commerciales, de normes et d’accords internationaux.
Plus de qualité et de croissance
Parmi ceux-ci, l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), négocié lors du cycle d’Uruguay de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et entré en vigueur en 1995, réglemente aujourd’hui le commerce des produits vulnérables aux parasites et aux agents pathogènes.
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Leur objectif est de protéger la vie ou la santé humaine, animale ou végétale grâce à des normes de sécurité. Le texte définit les règles de base que les gouvernements sont tenus de suivre pour fournir des aliments sûrs aux consommateurs tout en évitant toute forme de protectionnisme des producteurs nationaux.
Les pays du Sud représentant la majeure partie de la production agricole brute (par exemple, la valeur ajoutée de l’agriculture représentait 17,2 % du produit intérieur brut de l’Afrique subsaharienne en 2021), nous avons cherché à mesurer l’impact de ces réglementations sur les économies nationales et le commerce mondial. Notre recherche apporte des nouvelles largement positives : les pays qui avaient les moyens de se conformer à ces nouvelles normes de sécurité ont bénéficié d’une croissance économique accrue et d’aliments plus sûrs.
Le renforcement des normes de sécurité a en effet permis d’améliorer les technologies et les pratiques de production, notamment en remplaçant les engrais chimiques par des engrais organiques, avec des effets positifs en termes de qualité des aliments. Les normes de sécurité ont également contribué à la création et à l’expansion des routes commerciales bénéfiques aux pays du Sud. Le commerce agricole entre le Nord et le Sud tend ainsi à augmenter de 30 % lorsque ces normes s’appliquent.
Renforcer la coopération
Nous avons observé que ces effets positifs se renforcent si les acteurs économiques coopèrent non seulement de manière formelle (par exemple, en employant un groupe d’experts traitant des questions de sécurité) mais aussi de manière substantielle (par exemple, en fixant des règles techniques pour coopérer sur les questions de sécurité).
Contrairement à ce que prétend le mouvement de la décroissance, nos recherches montrent donc que les réglementations peuvent rendre possible une croissance durable. Des évaluations minutieuses de l’impact environnemental des accords commerciaux démontrent d’ailleurs que les accords entravent les plus gros pollueurs et contribuent au contraire à une croissance durable.
L’harmonisation des normes apparaît également essentielle pour instaurer un environnement coopératif car les accords commerciaux réduisent les frictions dans le commerce et le temps nécessaire pour résoudre les différends. En bref, ils favorisent à la fois la coopération et la croissance.
Une croissance durable est-elle possible ?
Aujourd’hui, plusieurs institutions internationales, comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), soulignent la nécessité d’agir et encouragent les politiques commerciales plus favorables au climat. L’OMC s’accorde également avec le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque mondiale (BM) sur la nécessité de renforcer la coopération internationale en tant que stratégie principale pour faire face aux problèmes du changement climatique. Néanmoins, les relations internationales tendent à évoluer à l’inverse vers une fragmentation de l’espace mondial…
Si l’impact conjoint du changement climatique et du commerce international favorise l’émergence et la propagation d’agents pathogènes, les efforts visant à les surveiller et à contrôler leur transport transfrontalier deviendront essentiels pour relever les défis de la sécurité alimentaire mondiale.
Les politiques commerciales pourraient alors constituer une stratégie efficace mais leur harmonisation reste à ce jour essentielle, en particulier avec des économies caractérisées par une réactivité hétérogène aux impacts du changement climatique et par des capacités différentes à modifier les termes de l’échange.
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Emilia Lamonaca, AXA Research Fellow, Università di Foggia and Fabio Gaetano Santeramo, Associate Professor, Università di Foggia
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.