Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est adressé à l’Union africaine (UA) par visioconférence. Une réunion tenue finalement à huis-clos, d’où seuls quelques éléments ont filtré.
Sous la pression d’Emmanuel Macron et d’Olaf Scholz, le président en exercice de l’Union africaine (UA), Macky Sall, a tenté de rassembler autant de chefs d’Etat du continent que possible pour une réunion avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Finalement, seuls deux présidents étaient intéressés par ce que l’ex-comédien avait à dire à l’Afrique. Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, ainsi que Macky Sall et son homologue du Congo Denis Sassou N’Guesso ont été les seuls à s’intéresser à la réunion qui s’est tenue ce lundi 20 juin.
Pour l’UA, organiser la réunion avec Zelensky était une manière de mettre en avant la neutralité de l’organisation panafricaine vis-à-vis du conflit russo-ukrainien. En effet, avant et après sa rencontre avec Vladimir Poutine à Moscou, le président sénégalais Macky Sall a été exhorté par ses homologues occidentaux à faire le déplacement à Kiev, afin de voir Zelensky également.
Au final, Macky Sall a simplement promis d’organiser un sommet de haut niveau avec les chefs d’Etat africains « qui souhaitent » parler avec le président ukrainien.
Ukrainian president @ZelenskyyUa addressed the @_AfricanUnion Assembly today. We reiterated the AU position of the urgent need for dialogue to end the conflict to allow peace to return to the Region and to restore global stability. pic.twitter.com/1RaIIp2UbC
— Moussa Faki Mahamat (@AUC_MoussaFaki) June 20, 2022
Un « Sommet de haut niveau » qui ne vole pas haut
Choses promises, choses dues. La rencontre de ce lundi a réuni Macky Sall, Denis Sassou N’Guesso, Volodymyr Zelensky… Et puis c’est tout. Sur l’interface de l’appel, on voit également la régie, et depuis les locaux de l’UA à Addis-Abeba, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki.
Quelques ambassadeurs et ministres représentant l’Algérie, l’Afrique du Sud, la RDC, le Nigéria et l’Egypte notamment ont aussi écouté Volodymyr Zelensky, ainsi que le chef du Conseil présidentiel libyen.
La symbolique est accablante : les autres présidents africains ont simplement boycotté le président ukrainien. De plus, l’UA a décidé de tenir la réunion à huis-clos à la dernière minute. Un détail qui a suscité l’agacement des médias occidentaux, qui estiment que « les chefs d’Etat africains voudraient éviter que le ‘franc-parler’ de Zelensky n’alimente pas les titres de presse », selon les éditorialistes de France24.
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Deux premières déclarations ont émané de la rencontre. D’abord, le chef d’Etat sénégalais et président de l’UA, Macky Sall, a remercié Zelensky « pour son adresse conviviale à la réunion virtuelle du Bureau élargi de l’UA ».
« L’Afrique reste attachée au respect des règles du droit international, à la résolution pacifique des conflits et à la liberté du commerce », affirme Macky Sall. L’UA garde donc la même position, avec la priorité pour le retour des exports de céréales et d’engrais russes et ukrainiens. Un enjeu d’urgence pour une majorité des pays africains.
De son côté, Volodymyr Zelensky a déclaré : « L’Afrique est en réalité un otage. C’est un otage de ceux qui ont déclenché la guerre contre notre État ». Le président ukrainien a réitéré ses accusations pour la Russie, qui bloquerait selon lui les exports de céréales ukrainiennes.
Je remercie le Président @ZelenskyyUa pour son adresse conviviale de ce jour à la réunion virtuelle du Bureau élargi de l’@_AfricanUnion. L’Afrique reste attachée au respect des règles du droit international, à la résolution pacifique des conflits et à la liberté du commerce. pic.twitter.com/63jZCvamix
— Macky Sall (@Macky_Sall) June 20, 2022
Quelles relations entre l’Ukraine de Volodymyr Zelensky et l’Afrique ?
Quoi qu’il en soit, cette réunion entre l’UA et Zelensky n’est pas dénuée de contexte. Depuis son entrée en fonction en 2019, la diplomatie entre l’Ukraine et les pays africains a subi un recul en raison de la réduction radicale des droits des étudiants étrangers en Ukraine. La volonté de Volodymyr Zelensky d’intégrer l’OTAN, par la suite, a créé un dilemme pour les pays africains les plus proches de la Russie. En l’occurrence l’Algérie, l’Angola, l’Afrique du Sud et la Guinée équatoriale.
Mais c’est surtout depuis le début du conflit entre l’Ukraine et la Russie que de plus en plus de diplomates africains condamnent le deux poids, deux mesures du traitement des ressortissants africains. Volodymyr Zelensky avait déclaré en février que tous les étudiants africains qui quitteront l’Ukraine « n’y seront plus les bienvenus une fois la guerre sera finie ». Sans compter, évidemment, le scandale des couloirs humanitaires. Les Africains fuyant la guerre se sont heurtés au refus de l’Union européenne de les accueillir au même titre que les réfugiés ukrainiens.
Ensuite, fin février dernier, l’ambassade ukrainienne au Sénégal avait enrôlé plusieurs dizaines de Sénégalais pour combattre en Ukraine. Un appel décrié par le ministère sénégalais des Affaires étrangères, qui condamnait « cette pratique qui constitue une violation de l’obligation de respect des lois et règlements de l’Etat accréditaire ».
Alors si Volodymyr Zelensky vient aujourd’hui quémander un plus large soutien africain, il semble négliger que l’émotion à géométrie variable que provoque son cas dans les médias occidentaux ne signifie presque rien aux africains. Mais, aussi, ses déclarations contre la Russie sont également ternes aux yeux de l’UA. Peut-être en acceptant de relancer le commerce de céréales avec les pays africains depuis ses ports, Zelensky pourra s’acheter un peu de bonne volonté auprès des diplomaties africaines.