Alors que les outils de guerre cybernétique intéressent de plus en plus l’Occident, l’industrie de l’armement traditionnel cherche à conquérir de nouveaux marchés. Une étude du lobbyiste Advance Market Analytics (AMA) montre que plusieurs armées africaines se tournent vers les armes intelligentes et hypersoniques.
Dans un contexte où les puissances militaires occidentales se rendent compte de leurs lacunes, et commencent à revoir leur relation avec les armuriers privés, ces derniers cherchent de nouveaux pays où étendre leur influence.
Une figure connue de l’industrie de l’armement, Michèle Flournoy, ex-manitou de la stratégie du Pentagone, a souvent prévenu qu’un changement de l’équilibre mondial était en cours.
« Nous sommes vraiment à un point d’inflexion stratégique où les États-Unis, le Royaume-Uni et nos alliés sortons de 20 ans de concentration sur le contre-terrorisme et la contre-insurrection, les guerres en Irak et en Afghanistan, et levons les yeux pour réaliser que nous sommes maintenant dans une compétition très sérieuse entre grandes puissances », a déclaré l’ancienne ministre américaine à BBC.
Et, en effet, pour les Occidentaux, le souci est que les armuriers autrefois fiables ne garantissent plus l’hégémonie militaire américano-occidentale. On parle notamment des nouveaux produits de l’industrie d’armement orientale, des missiles hypersoniques russes et chinois, ou encore des armes intelligentes, fleurons des armuriers turcs, brésiliens ou iraniens.
D’un autre côté, après plusieurs échecs occidentaux sur le terrain de la cyber-guerre contre la Russie, en marge du conflit ukraino-russe, l’Europe et les Etats-Unis concentrent leurs budgets militaires sur ce volet. De quoi décevoir les lobbys de l’armement occidentaux, qui cherchent donc leurs marchés du futur.
Supériorité sino-russe
Dans ce contexte, l’un des leaders mondiaux des études de marché, le lobbyiste AMA, a publié une étude sur le futur des armes intelligentes. Le rapport, baptisé « Aperçu des perspectives du marché des armes intelligentes jusqu’en 2027 », concerne plus ou moins tout l’armement traditionnel. Une grande partie du document de 232 pages, publié ce lundi 9 mai, concerne les armes hypersoniques. Une technologie dans laquelle la Russie et la Chine sont en avance sur l’Occident.
En effet, les démonstrations, coup sur coup, du Kinjal et du Zircon russes, puis du nouveau Dongfeng chinois, ont provoqué des remous entre les gouvernements occidentaux et leurs armuriers. Par exemple, l’Agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA) poursuit actuellement le développement des armes hypersoniques pour l’armée américaine en interne.
Ce qui fait que les géants de l’armement occidental, à l’instar de Lockheed Martin, Boeing, Raytheon ou BAE, sont activement à la recherche de nouveaux clients, surtout pour les armes intelligentes et hypersoniques.
En Afrique, de nombreux pays — le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, le Rwanda et la Côte d’Ivoire en première ligne — se sont rués sur les drones dotés d’intelligence artificielle, les missiles autoguidés et les systèmes de défense aérienne construits par les entreprises turques, kazakhes, chinoises ou israéliennes.
Toutefois, de nombreux pays africains sont encore à la recherche de fournisseurs de ces nouvelles technologies militaires. En l’occurrence l’Afrique du Sud, le Ghana, le Nigéria et le Sénégal, entre autres. D’autres puissances militaires africaines — Algérie, Angola et Guinée équatoriale — attendent la commercialisation des mêmes armes par les précurseurs de ces technologies, la Russie et la Chine.
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Maroc, Afrique du Sud, Nigéria et Tunisie
Un marché ouvert, donc. Car malgré la concurrence rude dans les pays africains traditionnellement alliés militairement à une puissance mondiale, plusieurs Etats africains sont relativement dépensiers en matière de sécurité.
Le constat établi par AMA dans son rapport est simple : pour les entreprises occidentales de l’armement, six pays africains, parmi 22 pays dans le monde, seront leurs meilleurs clients d’ici à 2027. Le rapport mentionne le Maroc, l’Afrique du Sud, le Nigéria et la Tunisie parmi les dix pays où les armées sont les plus aptes à acheter des armes intelligentes et hypersoniques de la part d’armuriers américains, britanniques et européens.
Selon l’étude, les premiers critères de cette tendance militariste sont « les enjeux militaires géostratégiques » et « la lutte contre le terrorisme ». Mais le rapport met aussi l’accent sur l’absence de compétition. Dans certains pays, « les accords militaires en matière d’armement » ne couvriraient pas « les nouvelles technologies d’armement tactique ».
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Aussi, les lacunes dans la conscription dans certains pays africains seraient un facteur important. En effet, malgré le service militaire obligatoire dans plusieurs pays africains, les taux d’enrôlement bas poussent l’Etat à se doter d’armement supérieur.