Le président tanzanien John Magufuli est décédé à l’âge de 61 ans, a annoncé la vice-présidente hier. Samia Suluhu-Hassan devient la 6e présidente de la Tanzanie, et la première femme à ce poste.
John Magufuli, le président de Tanzanie qui s’était montré très sceptique vis-à-vis de l’existence réelle du coronavirus, est décédé ce mercredi 17 mars, officiellement d’une insuffisance cardiaque dans un hôpital de l’ancienne capitale Dar es Salam. Le président n’avait pas été vu en public depuis la fin du mois de février, ce qui avait suscité de nombreuses rumeurs sur une infections à la Covid-19. Le Premier ministre Majaliwa avait alors nié, insistant sur le fait que le président était « en bonne santé et travaillait dur ».
La vice-présidente Samia Suluhu-Hassan a déclaré hier à la télévision d’Etat que, à cette occasion, « tous les drapeaux seront mis en berne pendant 14 jours ». Samia Suluhu-Hassan sera la prochaine présidente de la Tanzanie. Une première pour le pays : jamais une femme n’avait dirigé le pays.
Très populiste, Magufuli avait nié la réalité de la Covid-19 et avait boycotté le vaccin. L’année dernière, John Magufuli avait même déclaré que la Tanzanie avait éradiqué la pandémie grâce à trois jours de prière nationale. Il avait aussi appelé à une thérapie à la vapeur infusée à base de plantes pour lutter contre la maladie. La Tanzanie était l’un des seuls pays africains à n’avoir signé aucun accord pour se faire livrer des vaccins contre le coronavirus.
Samia Suluhu-Hassan contestée dans son propre camp
La vice-présidente Samia Suluhu-Hassan devrait terminer le reste du mandat de Magufuli. Cependant, la native de Zanzibar n’est pas à l’abri des conflits politiques. Elle fait en effet partie d’une faction de technocrates du gouvernement zanzibarien, opposée à celle de l’ex-président.
Néanmoins, elle aura certainement le soutien d’une partie importante de l’opposition, à l’instar du secrétaire général du parti Chadema, John John Mnyika. Ce dernier considérait que Magufuli se trompait sur la situation sanitaire et le critiquait pour son attentisme.
C’était « Jay-Jay » qui avait suggéré la possibilité d’appliquer l’article 37 de la Constitution afin de remplacer Magufuli par Samia Suluhu-Hassan lorsque la rumeur de la maladie du président s’est répandue.
Au sein du parti au pouvoir Chama Cha Mapinduzi (CCM), en proie à des luttes intestines régulières, la situation ne s’arrange pas. Au-delà de la gouvernance, un conflit religieux et une différence sur le principe qu’une femme ait pris le pouvoir, attise les tensions au sein du CCM.
La vice-présidente, originaire de Zanzibar, représente la faction musulmane traditionnellement de gauche au sein du CCM. La faction actuellement dominante dans le parti est celle de Magufuli et de son Premier ministre Majaliwa, tous les deux des nationalistes chrétiens d’extrême-droite. Jamais la Tanzanie n’avait eu de président venant de Zanzibar.
L’ascension politique de Samia Suluhu-Hassan est due au président Jakaya Kikwete, le prédécesseur de Magufuli. Samia Suluhu-Hassan « perdra automatiquement le soutien des diplomates et des services de renseignement », selon Modestus Kipilimba, l’ambassadeur de la Tanzanie en Namibie et ex-agent des service secrets.
Dans cette conjoncture, la nouvelle présidente aura beaucoup de mal à stabiliser son propre gouvernement. Elle aura pour mission de redorer le blason de son pays sur la scène internationale et de faire l’unanimité au sein de son propre parti. Mission impossible ?