Depuis les Accords d’Abraham, plusieurs pays arabes ont normalisé leurs relations avec Israël. De quoi fragiliser l’existence de la Ligue arabe, autrefois unie derrière la Palestine.
La presse nord-africaine, arabe et internationale s’est concentrée sur la non-venue du roi Mohammed VI au sommet de la Ligue arabe qui se déroule depuis hier à Alger. Mais d’autres absences sont, peut-être, plus remarquées par les observateurs : outre celle du roi Abdallah II de Jordanie, ce sont les absences des dirigeants d’Arabie saoudite, du Koweït et des Émirats arabes unis qui ont mis à mal le succès du sommet algérien. Ni Mohammed Ben Salmane Ben Abdelaziz Al Saoud, ni Mohammed ben Zayed Al Nahyane n’ont daigné se rendre à Alger.
Le sommet de la Ligue arabe est assez inédit. Car, pour cause de pandémie de Covid-19 notamment, les pays de l’organisation ne s’étaient plus réunis depuis mars 2019. Les Accords d’Abraham, qui symbolisent entre autres la normalisation des relations entre plusieurs pays arabes et Israël, n’avait à l’époque pas encore été signés. Autant dire que les retrouvailles auraient pu être tendues, si les dirigeants des 22 pays de la Ligue arabe avaient accepté l’invitation de l’Algérie, puisqu’il est question de la cause palestinienne lors de ce sommet.
Si Abdel Fattah al-Sissi était bien présent lors de l’ouverture du sommet algérien — l’Égypte a reconnu Israël après les accords de Camp David de 1978 —, la Jordanie, qui a également reconnu l’existence de l’État hébreu, les Émirats arabes unis et Bahreïn, tous deux signataires des Accords d’Abraham, sont aux abonnés absents. L’Arabie saoudite, elle, n’a jamais franchi le pas mais se range une nouvelle fois derrière la décisions de MBZ. Enfin, le roi du Maroc, qui a engagé une coopération sécuritaire avec Israël, a joué au chat et à la souris avec le président algérien pour finalement faire de son absence le principal événement du sommet.
Cause palestinienne de façade ?
Et si l’on a longtemps estimé que le Sahara occidental était l’enjeu des retrouvailles algéro-marocaines, c’est en réalité la normalisation avec Israël qui aurait pu être le point d’achoppement entre les deux pays. Car Alger est sans aucun doute le plus fervent soutien de la cause palestinienne, aux côtés de Tunis. Et parmi les 22 membres de la Ligue arabe, on compte la présence de l’Autorité palestinienne.
Ce mardi, à Alger, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a demandé que la Ligue arabe participe à mettre fin à « la souffrance persistante » en Palestine et estimé que « la paix doit avancer et l’occupation doit prendre fin ». Il a également demandé que l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), en crise financière, soit aidé par les membres de l’organisation.
Les autres discussions sur la Palestine, elles, ne donneront quoi qu’il arrive pas grand-chose, la faute aux absences des pays signataires des Accords d’Abraham. « Dans une telle configuration politique, la Palestine ne constitue plus une priorité. Certes, la cause demeure très puissante comme symbole, mais elle sert souvent de couverture pour servir un objectif, un programme, voire une posture », résume Abed Charef, écrivain et chroniqueur algérien, dans Middle East Eye. Le sujet d’union qu’était, autrefois, le soutien à la cause palestinienne n’est plus aujourd’hui qu’un vieux souvenir. La Ligue arabe, dans ces conditions, a-t-elle encore un avenir ?