En proposant la gratuité pour accéder à sa plateforme dans la majorité des pays africains, Facebook tente de devenir incontournable. Mais à quel prix ?
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« Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit ». Jamais cette formule, signée Bruce Willis, n’a été aussi vraie qu’en Afrique. Facebook a en effet mis en place une stratégie de gratuité qui pose question. Si le réseau social américain affirme avoir, en faisant des offres imbattables, « amené en ligne plus de 25 millions de personnes qui autrement n’y seraient pas », nombreux sont les Africains à se demander pour quelle raison le groupe américain fait tant d’efforts.
L’offre Free Basics permet au groupe de Mark Zuckerberg de donner un accès gratuit à internet — via sa plateforme, évidemment — aux populations de 32 pays sur les 54 que compte l’Afrique. Un modèle que même Apple critique, Tim Cook, son patron, ayant fustigé le business model de Facebook et le ciblage publicitaire du réseau social. Cook déplore la vente de données sur les utilisateurs.
« En Afrique, Facebook est Internet », résume simplement The Guardian, cité par Courrier International, qui rappelle donc que, sans avoir besoin de recharger leurs mobiles, les populations peuvent avoir un accès gratuit au réseau social depuis 2015 grâce à Free Basics. Une offre qui s’appuie sur les opérateurs téléphoniques existants, mais également sur la politique très offensive de Mark Zuckerberg, qui déploie lui-même des infrastructures permettant d’accéder à internet. Autrement dit, Facebook sait se rendre incontournable et, s’il n’a pas les outils pour s’imposer, il les met lui-même en place.
« Expansion agressive »
Facebook est donc devenu, pour la majorité des populations qui utilisent leur mobile sans forfait et achètent des recharges de data au compte-goutte, la principale source d’information. Avec tous les soucis que cela pose, comme la propagation de fake-news. « L’Afrique a une population jeune et croissante et offre donc des opportunités pour que Facebook devienne une porte d’entrée sur internet, via Facebook, WhatsApp, Instagram ou autre », résume Toussaint Nothias, directeur de recherche au Digital Civil Society Lab de l’Université de Stanford.
Le chercheur dénonce l’« expansion agressive » du groupe américain dans les pays du Sud, alors que Facebook perd du terrain en Occident, concurrencé par TikTok ou de nouvelles plateformes très populaires chez les jeunes. « Facebook comprend que pour continuer à se développer, il faut trouver de nouveaux utilisateurs », résumait récemment, face au Sénat américain, la lanceuse d’alerte Frances Haugen, qui s’appuyait sur des notes internes diffusées chez les employés de Facebook.
Facebook s’intéresse donc tout particulièrement à l’Afrique, un terrain de jeu que le réseau social connaît bien désormais. Mais, prévient The Guardian, si « Facebook présente ses initiatives d’internet gratuit en Afrique comme de la philanthropie », on est loin, dans les faits, de l’image renvoyée par le groupe de Zuckerberg.
Le réseau Global Voices estime d’ailleurs que Facebook pratique un « colonialisme numérique ». Selon Global Voices, Facebook participe à « transformer l’utilisateur en un consommateur principalement passif de contenus d’entreprises principalement occidentales ». Mais là où on observe un essoufflement de Facebook en Occident, cela ne semble être que le début en Afrique. Car en s’appuyant sur ses offres gratuites d’accès à internet, Facebook s’est agressivement imposé comme un acteur incontournable du secteur.