Des affrontements ont éclaté au Kenya lors d’une manifestation, avec des tirs de gaz lacrymogène de la part des forces de l’ordre.
Suite au retrait de son projet de budget controversé par le président William Ruto, le pays se prépare à de nouvelles manifestations dans une atmosphère tendue.
Malgré le retrait du projet de budget, les tensions demeurent fortes au Kenya. La journée de jeudi 27 juin a commencé avec des affrontements entre la police et des manifestants dans le centre névralgique de la capitale Nairobi. Les forces de l’ordre, présentes en grand nombre dans les rues du centre-ville, ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser des groupes épars de dizaines de personnes qui protestaient contre la politique gouvernementale.
Après une journée de manifestations antigouvernementales qui s’est soldée par des violences meurtrières à Nairobi mardi, le président William Ruto a annoncé hier soir le retrait de son projet de budget. Malgré cela, le Kenya se prépare à une nouvelle journée de protestations aujourd’hui.
De nombreux policiers ont été déployés dans la capitale pour empêcher les gens d’accéder à State House, le palais présidentiel, selon des journalistes de l’AFP. Dans le centre-ville, sur l’avenue Moi, de nombreux magasins sont restés fermés jeudi matin et un employé d’une parfumerie nommé Moe a dû baisser le rideau. Il explique que la situation est incertaine et qu’ils ne peuvent pas se permettre de prendre des risques.
La récente vague de protestations menées par les jeunes, qui a pris la nation par surprise en moins de deux semaines et a pris le pouvoir au dépourvu, a commencé peu après la soumission du budget 2024-2025 au Parlement le 13 juin. Ce budget prévoyait une taxe de 16 % sur le pain ainsi qu’une taxe annuelle de 2,5 % sur les véhicules particuliers, ce qui a suscité des critiques et un mécontentement général de la part de la population.
Utilisation de munitions réelles
Alors que les manifestations précédentes pour protester contre les nouvelles taxes se sont déroulées pacifiquement, la manifestation de mardi à Nairobi a dégénéré en violence, notamment près du complexe parlementaire où certains bâtiments ont été brûlés et endommagés.
D’après diverses organisations non gouvernementales, les forces de police ont fait usage de balles réelles pour essayer de contrôler la foule, qui a réussi à traverser les barrages de sécurité et à pénétrer dans le complexe. C’est une attaque sans précédent dans l’histoire du pays, qui a obtenu son indépendance en 1963.
Selon le KNHRC, 22 personnes ont été tuées et plus de 300 blessées mardi lors d’affrontements à Nairobi, principalement en raison d’un projet de loi controversé. Moe, propriétaire d’une parfumerie dans la ville, se demande pourquoi des jeunes ont été tués pour une question politique et craint que cela n’entraîne des répercussions encore plus violentes. Il décrit la situation actuelle comme étant inconnue et incertaine.
Simon Kigondu, le président de l’Association médicale au Kenya, a déclaré qu’il n’avait jamais vu un tel niveau de violence contre des personnes non-armées avant mardi. Le responsable du Kenyatta National Hospital à Nairobi, qui est le principal hôpital du pays, a également rapporté avoir reçu 160 personnes mercredi, certaines avec des blessures mineures et d’autres avec des blessures par balles.
Le représentant du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a exigé que les responsables de la mort des manifestants soient clairement identifiés mercredi.
La protestation continue à se propager.
Malgré le bilan tragique de mardi, le mouvement de contestation n’a pas été découragé et a pris une nouvelle tournure en dénonçant la politique du président Ruto, qui a été élu en 2022 avec la promesse de promouvoir la redistribution des richesses aux classes populaires. Mercredi, une personnalité du mouvement, la journaliste et militante Hanifa Adan, a appelé à une nouvelle manifestation jeudi sous forme d’une marche blanche “pacifique” en hommage aux victimes.
Peu de temps après, M. Ruto a fait une déclaration pour annoncer qu’il retirait finalement le projet de budget, après avoir affirmé la veille qu’il réprimerait fermement toute violence et anarchie. Il a également exprimé son désir d’une concertation nationale avec la jeunesse.
Hanifa Adan a qualifié l’annonce d’une “opération de communication” et de nombreux manifestants se sont montrés méfiants envers celle-ci alors qu’ils se préparaient à manifester jeudi dans le centre de Nairobi ainsi que dans d’autres villes du pays, telles que Kisumu (ouest) et Mombasa (sud).
Le gouvernement a justifié la nécessité des taxes pour aider le pays lourdement endetté et avait décidé le 18 juin de retirer la plupart des mesures. Cependant, les manifestants réclamaient le retrait complet du texte.
William Ruto a exprimé ses préoccupations concernant l’endettement et le financement du budget, en particulier en ce qui concerne les programmes destinés aux agriculteurs et aux enseignants. Il a demandé comment gérer ensemble la situation actuelle.
Avec une dette publique de 10 000 milliards de shillings (environ 71 milliards d’euros), représentant environ 70 % du PIB, le Kenya vise un budget record de dépenses à hauteur de 4 000 milliards de shillings (environ 29 milliards d’euros) pour la période 2024-2025. Malgré son économie en plein essor dans la région de l’Afrique de l’Est, le pays a connu une inflation annuelle de 5,1 % en mai dernier.