Le gouvernement camerounais a réfuté les accusations de massacres de civils à Mbonge. Entre la guerre contre les séparatistes anglophones, la crise des réfugiés, la menace terroriste et les tensions ethno-politiques, le Cameroun ne s’en sort plus de ses problèmes.
Une vidéo virale, publiée le 26 mars dernier, montre des soldats camerounais tirant sur des civils dans le village de Foe Bakundum, à Mbonge. Dans un communiqué publié une semaine plus tard, le ministère de la Défense réfutait les allégations et affirmait que la vidéo était fausse. Selon le communiqué, les images de la vidéo « sont celles d’une opération menée avec succès par les forces de défense et de sécurité le 18 mars qui a conduit à la neutralisation de six terroristes ».
La politique est toujours au rendez-vous
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement réfute des accusations après des massacres supposés de civils par des soldats dans les deux régions anglophones agitées du Cameroun. Autrefois considéré comme l’un des rares pays stables en Afrique centrale, le Cameroun est aujourd’hui confronté à trois crises : la guerre contre les séparatistes anglophones, les flux de réfugiés centrafricains et les attaques de Boko Haram, au nord.
Le conflit ethnique complique davantage les choses. Après les élections controversées de 2018, les violences se sont multipliées entre le groupe favorable au président Paul Biya, les Bulus, et les populations Bamileke auxquelles appartient le chef de l’opposition Maurice Kamto.
Ce paradigme très difficile dans lequel se trouve le Cameroun et l’insistance du gouvernement à traiter militairement tous les problèmes constituent un véritable casse-tête.
De nombreux meurtres de civils
Après avoir été pointés du doigt pour les meurtres de civils pendant des mois, les sécessionnistes anglophones du front NOSO (actuellement ADF) avaient dévoilé des images qui montraient des supposés soldats camerounais tuant des civils. Ce que le gouvernement a réfuté.
L’aggravation de la violence dans les régions anglophones du Cameroun fait de plus en plus de victimes parmi les civils, avec de nouvelles attaques contre des écoles et une série d’incidents impliquant des engins explosifs improvisés et des exécutions documentées par Human Rights Watch ces derniers mois.
La guerre civile a fait des centaines de milliers de réfugiés, la faute à une crise diplomatique entre le Nigeria et le Cameroun. Le conflit a commencé à la fin de l’année 2016, lorsque les forces de sécurité gouvernementales avaient violemment réprimé une manifestation contre la marginalisation des anglophones du pays.
Depuis, plusieurs milices séparatistes s’étaient formées pour combattre l’armée camerounaise. Gérés par des figures de la diaspora camerounaise, ces groupes ont certainement commis leur lot de crimes de guerre. Au moins 3 000 civils sont tombés sous les balles des deux camps dans l’ouest du Cameroun, à ce jour. Un bilan supérieur à celui de Boko Haram, qui tue des civils dans le nord du pays depuis 2015.
Accusations dans les deux camps
La nature du conflit n’a pas cessé de se développer depuis. Entre meurtres, incendies, bombardements, kidnappings de masse et assassinats, il est devenu très difficile de déterminer les coupables des différents actes. Une chose est sûre cependant : les combattants séparatistes ont fait beaucoup plus de dégâts que l’armée.
Selon l’Organisation des Nations unies (ONU) et l’observatoire antiterroriste ACLED, depuis novembre, les Forces de défense d’Ambazonia (ADF), ex-front NOSO, ont effectué 16 attaques à la voiture piégée et 7 raids sur des villages dans leurs propres fiefs, tuant des centaines de civils.
La réaction de l’armée n’a pas été plus clémente envers les civils. En janvier, les forces militaires ont attaqué le village de Mautu dans la région du sud-ouest et tué 9 civils, a déclaré Human Rights Watch. Un mois plus tard, une vidéo des forces de sécurité gouvernementales battant brutalement le frère d’un séparatiste présumé dans la ville de Ndu a circulé sur les réseaux sociaux.
Le gouvernement a arrêté les officiers responsables de ces deux incidents. Il nie néanmoins toute implication de l’armée dans les allégations relatives à la vidéo de la semaine dernière. Le conflit entre les ADF et l’armée du Cameroun se transforme également en guerre médiatique.