13 pays, en plus des cinq pays membres, ont participé au 14e Sommet des BRICS qui s’est tenu le 23 juin dernier. Après l’Iran, qui a déjà présenté sa candidature, l’Algérie pourrait-elle intégrer l’organisation ?
Cinq chefs d’Etat africains ont participé au Sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) jeudi dernier. Si la présence de Cyril Ramaphosa est logique, quatre autres leaders africains ont également participé au sommet diplomatique : Abiy Ahmed (Ethiopie), Abdel Fattah al-Sissi (Egypte), Macky Sall (Sénégal) et Abdelmadjid Tebboune (Algérie).
Cela fait déjà trois ans que les politologues algériens spéculent sur la possibilité que l’Algérie se joigne à la conférence diplomatique tiers-mondiste. Le 14e Sommet des BRICS commence déjà à révéler ses secrets : l’Iran aurait déposé sa candidature, appuyé par la Russie. L’Argentine, également présente, serait intéressée. L’Algérie, pour sa part, pourrait bien être le second pays africain à franchir le pas.
En effet, Abdelmadjid Tebboune — le premier à s’exprimer — a rappelé, lors de son discours au Sommet des BRICS, « l’impératif de veiller à l’instauration d’un nouvel ordre économique où règneront parité et équité entre pays ».
« Nos expériences passées nous ont montré que le déséquilibre enregistré sur la scène internationale et la marginalisation des pays émergents au sein des instances mondiales constituaient une source d’instabilité, de manque d’équité et d’absence de développement », affirme le président de l’Algérie.
Du « sang frais » pour les BRICS
Le président chinois Xi Jinping a, pour sa part, déclaré : « Nous devrions rejeter les jeux à somme nulle et nous opposer conjointement à l’hégémonie et à la politique de puissance ». « L’apport de sang frais insufflera une nouvelle vitalité à l’intégration des BRICS et augmentera sa représentativité et son influence », a fait remarquer le chef d’Etat chinois.
Ce mardi 28 juin, deux sorties des ministères des Affaires étrangères d’Iran et de Russie ont permis de confirmer la candidature officielle de Téhéran à rejoindre les BRICS, le début des démarches par Buenos Aires, et le soutien de la Russie à ces dernières. « Alors que la Maison blanche réfléchit à ce qu’elle va saboter, interdire ou gâcher encore dans le monde, l’Argentine et l’Iran ont demandé à rejoindre les BRICS », a annoncé la porte-parole de la diplomatie moscovite, Maria Zakharova.
En ce qui concerne l’Algérie, une future candidature pour les BRICS aurait tout son sens, surtout après l’Iran. Pour rappel, l’Algérie a été le premier pays de la région Mena à intégrer l’initiative des nouvelles routes de la soie de la Chine. C’est également le pays africain avec la plus grande diaspora chinoise et, même si les volumes d’échange avec la Chine sont à la 7e place en Afrique, l’Algérie est la première cible des investissements directs chinois sur le continent.
L’autre puissance mondiale membre des BRICS, la Russie, compte Alger comme son premier partenaire africain dans l’armement, les énergies, l’éducation et la culture. Même si la fourniture de gaz algérienne vers l’Europe a fait planer des rumeurs sur des tensions entre Alger et Moscou, les deux pays ont démystifié tout cela à coups de nouveaux accords de défense, d’armement et de visites bilatérales.
One, two, three… et l’économie ?
L’expert algérien en relations internationales, et directeur de l’Ecole Nationale supérieure des sciences politiques (ENS), Mustapha Saïdj, a avancé la théorie de l’adhésion algérienne aux BRICS depuis 2018. Il considérait que le partenariat avec la Chine « donnait ses fruits » et permettrait à terme de « relier l’Asie et l’Afrique ». Saïdj prenait pour exemple la Transsaharienne et les autres projets phares entre la Chine et l’Algérie, qui ont permis selon lui l’entrée de l’Algérie dans le groupe des « nations émergentes ».
Selon le spécialiste, l’Algérie a la possibilité d’intégrer les BRICS avant 2030. La Conférence diplomatique a, avant tout, des enjeux économiques. A ce niveau, l’Algérie poursuit la même stratégie que les autres pays du bloc. A savoir un marché stable grâce à une sûreté du territoire infaillible, de grandes réserves de devises et une diplomatie souverainiste appuyée par une grande puissance militaire. L’Algérie est également une puissance énergétique dont la production et les revenus (gaz, pétrole, fer, phosphates et ciment) sont majoritairement contrôlés par l’Etat.
Sur le plan financier et commercial, l’Algérie a fait flotter sa monnaie pour la dernière fois en 2011. Et malgré la chute des réserves de devises, elle reste la première en Afrique avec 174 tonnes d’or et plus de 43 milliards de dollars de réserves, où elle dépasse respectivement l’Afrique du Sud et l’Angola. Quant aux échanges commerciaux, l’Algérie est le 5e pays africain exportateur et le 3e pays importateur. Loin d’être une économie fermée, donc, en dépit des clichés.
Une hésitation de l’Algérie qui s’explique
Alors, certes, rejoindre les BRICS ne devrait être qu’une formalité pour l’Algérie si elle le souhaitait. D’un autre côté, il y a matière à réfléchir pour le pays nord-africain. Rejoindre le bloc des pays émergents a ses avantages et ses désavantages.
L’un des atouts du groupe d’Etats est la facilité des échanges dans le secteur pharmaceutique. Et renforcer le partenariat dans la lutte contre les maladies virales sera, selon les dirigeants de l’Inde et de la Chine, une priorité pour les BRICS.
Or, si les deux puissances asiatiques, ainsi que la Russie, ont été exemplaires dans la production des vaccins et la souveraineté sanitaire lors de la crise de la Covid-19, ils ont également affronté beaucoup de problèmes. Par exemple, la Chine et la Russie ont dû passer par des administrations et initiatives internationales pour distribuer leurs vaccins – la NCEMA des Emirats ou encore COVAX de l’OMS.
Le développement humain, pour sa part, est un obstacle commun entre les pays des BRICS. Qu’il s’agisse d’éducation, d’espérance de vie ou de revenu par tête (RNB), les trois vecteurs de développement humain ne sont pas une priorité pour les BRICS. L’investissement dans l’infrastructure, la sécurité, l’industrie et l’agriculture passent en premier lieu. Seulement, l’Algérie oscille entre les deux modèles. Les gouvernements successifs ont tenté d’instaurer une gouvernance hybride, mais le résultat n’a pas été à la hauteur des espérances dans plusieurs secteurs. Là où le pays nord-africain brille, c’est surtout dans l’écologie, l’énergie, la sécurité et l’industrie.
Les facteurs qui encourageraient l’Algérie à rejoindre les BRICS
Tant de facteurs qui expliquent l’hésitation algérienne. Mais d’autres considérations encourageront l’Algérie à intégrer les BRICS.
D’abord, les BRICS représentent 42% de la population et cumulent plus que la moitié de la croissance économique dans le monde. Pour l’Algérie, les expériences passées ont montré les difficultés de l’intégration régionaliste. Les rapports avec la France et l’Espagne, par exemple, changent souvent et rapidement. Il en est de même avec les pays arabes, si Alger ne cesse de se rapprocher des pays du Golfe, de l’Egypte et de la Libye, l’Etat maghrébin ne partage que très peu d’accords de coopération avec ces derniers.
D’un autre côté, l’Algérie entretient des ambitions diplomatiques en Afrique et en Méditerranée, congrues avec la vision des BRICS. Entre autres : le transfert technologique dans le secteur énergétique, non-alignement avec l’Occident et prédominance des rapports gagnant-gagnant avec les pays qui ne sont pas des voisins immédiats.
Enfin, il ne fait pas de doute qu’Alger observe avec attention les conséquences des tensions entre la Russie et l’Occident. L’OTAN qui s’est improvisé gendarme du monde ne cesse de s’étendre. L’Algérie, elle, « continue d’adopter une politique de neutralité et veille à s’exclure des tensions qui opposent les différentes parties », selon le chef des états-majors Saïd Chengriha. Mais jusqu’à quand l’Algérie restera-t-elle neutre si, par exemple, les Etats alliés majeurs non-membres de l’OTAN (MNMA) – Maroc, Tunisie, Israël ou Egypte – décident d’intégrer l’organisation ?