Le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, a demandé en début de semaine des réparations financières et des excuses aux pays ayant participé à la traite négrière lors des siècles passés en Afrique.
Les anciennes colonies britanniques vont-elles faire bouger les lignes et permettre au continent d’obtenir réparation pour avoir été réduit à l’esclavage ces derniers siècles ? Entre le milieu du 15e siècle et la fin du 19e siècle, au moins 12,5 millions d’Africains furent déportés vers les Amériques et les îles de l’Atlantique. Selon plusieurs historiens, 1,5 million de personnes ont péri pendant les traversées. Mais les chiffres seraient en réalité beaucoup plus élevés.
Au Nigeria, Moshood Kashimawo Olawale Abiola, alias Bashorun — comprenez « Chief », en anglais —, milite depuis des années pour que le continent obtienne des réparations au titre de l’esclavage et du colonialisme, depuis les années 1980. C’est lui qui organisera — et financera — la première « conférence mondiale sur les réparations pour l’Afrique et les Africains de la diaspora », à Lagos, en décembre 1990. Une conférence qui préconisait d’interpeller l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) pour que cette dernière soutienne l’initiative de Bashorun et apporte du poids à une future intervention devant les Nations unies. « Chief » Bashorun était alors la première personnalité politique de haut rang, puisqu’il était candidat à la présidentielle nigériane, à aborder ce thème de la réparation.
Depuis, ce combat semble s’être essoufflé. Mais c’était sans compter sur le président du Ghana, Nana Akufo-Addo. Celui qui vient de quitter la présidence de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’est trouvé un nouveau cheval de bataille. En début de semaine, lors d’un sommet conjoint de l’Union Africaine, du Fonds africain pour la justice transitionnelle, l’Institut afro-américain (AAI) et Global Black, Nana Akufo-Addo a abordé une première fois la question des réparations et des excuses de la part des anciennes puissances coloniales impliquées dans l’esclavage.
Guérir d’un terrible passé
Mardi, le chef d’Etat ghanéen en a remis une couche concernant les « réparations et la guérison raciale » de l’Afrique après la traite négrière. Nana Akufo-Addo déplore que les esclavagistes aient été, à l’époque, indemnisés : « Prenez le cas d’Haïti, qui a dû payer des réparations d’un montant de 21 milliards de dollars aux esclavagistes français, en 1825, pour la victoire de la grande révolution haïtienne, la première dans les Amériques et les Caraïbes où les esclaves ont été libérés », a-t-il indiqué. Avant de rappeler également la réparation des esclavagistes britanniques et américains par leurs gouvernements respectifs.
« Il est temps que l’Afrique, dont 20 millions de fils et de filles ont vu leurs libertés réduites et ont été vendus comme esclaves, reçoive également des réparations », a indiqué le président ghanéen, qui affirme que « toute la période de l’esclavage a retardé le progrès économique, culturel et psychologique de l’Afrique ».
Outre des réparations financières, Nana Akufo-Addo, cité par Afrik.com, estime également que « l’ensemble du continent africain mérite des excuses officielles de la part des nations européennes impliquées dans la traite des esclaves pour les crimes et les dommages que cette traite a causés à la population, à la psyché, à l’image et au caractère des Africains du monde entier ».
Reste désormais à savoir si le chef de l’Etat et ex-patron de la Cedeao engagera un processus officiel pour que sa demande aboutisse. Il faudra alors, dans ce cas, une union totale des pays africains, qui devront aller jusqu’à la tribune de l’ONU pour plaider leur cause.