L’Union africaine a demandé au Conseil militaire de transition du Tchad de respecter ses engagements, notamment en termes de délais.
Accusée de mutisme après la prise de pouvoir de Mahamat Idriss Deby au Tchad, l’Union africaine (UA) était attendue au tournant. Dans sa charte constitutive, l’UA, dont la présidence tchadienne est membre, prévoit de condamner « des changements inconstitutionnels de gouvernement », dans son article 4. Pourtant, l’organisation est restée passive après la prise de pouvoir, le 20 avril dernier, par le Conseil militaire de transition en lieu et place du président du parlement tchadien, après la mort du maréchal Idriss Déby.
Un mois plus tard, l’Union africaine a fini par évoquer le sujet. Pas de condamnation de la façon dont les événements se sont déroulés mais plutôt une mise en garde. Ce jeudi 20 mai, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a souligné « la nécessité absolue que la transition vers un régime démocratique soit achevée dans le délai de 18 mois annoncé par le CMT à compter du 20 avril 2021 ». Le conseil affirme « catégoriquement qu’aucune forme d’extension de la période de transition prolongeant la restauration de l’ordre constitutionnel ne saurait être acceptable pour l’UA ».
Un communiqué qui sonne comme un ultimatum. Mais également comme un passe-droit pour le CMT, qui échappe aux sanctions prévues par la charte de l’UA. Début mai, l’organisation africaine avait envoyé une mission au Tchad, avant de prendre éventuellement des sanctions contre le pays. Finalement, ces dernières ne sont jamais arrivées et l’Union africaine a proposé, à demi-mots, un simple accompagnement.
Qu’est-ce qui a fait bénéficier au Tchad d’une telle clémence de la part de l’Union africaine ? Cette dernière a bien rappelé qu’elle rejetait « totalement (…) tout changement anticonstitutionnel de gouvernement sur le continent ». Mais le pouvoir en place à N’Djamena a certainement pu compter sur des circonstances atténuantes : le Tchad est en effet « confronté à des attaques graves et multiformes », et l’UA n’a donc pas voulu ajouter des sanctions au risque de chaos qui menace le pays.
Déjà mis sous pression par la communauté internationale, les militaires ont fini par nommer un gouvernement de transition de civils, le 2 mai dernier, et ont promis la création d’un Conseil national de transition (CNT) qui remplacement le parlement. L’UA a demandé que ce CNT soit mis « en place de toute urgence » et qu’un « mandat clair et précis » soit déterminer dans le but de « rédiger une nouvelle Constitution ». La Constitution avait été suspendue dès la mort du maréchal Déby.
Priorité à la protection des libertés fondamentales
En somme, l’Union africaine demande aux dirigeants actuels du Tchad de « respecter l’engagement qu’ils ont pris de ne pas se présenter ou de ne pas prendre part aux prochaines élections libres, justes et crédibles à la fin de la période de transition ». Le gouvernement de transition doit, enfin, « accélérer le processus d’organisation d’un dialogue national inclusif et transparent et d’une réconciliation nationale », a demandé l’UA, estimant que ceci devait être fait dans les trois prochains mois.
Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a également tenu à rassurer les militants des droits de l’Homme et les opposants politiques, tous inquiets du silence de l’organisation après la prise de pouvoir de Mahamat Idriss Deby. Le CPS demande que le Premier ministre donne « la priorité à la promotion, la protection et la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de tous les Tchadiens ».
Si le communiqué de l’UA ressemble à un ultimatum en bonne et due forme, il lui permet surtout de jouer la montre. Alors que le Parlement européen vient de voter une résolution qui « demande à la junte de permettre des élections le plus rapidement possible », l’Union africaine semble un peu perdue dans le dossier tchadien. L’organisation devra, ces dix-huit prochains mois, rester vigilante. En cas d’allongement du délai de transition, elle prendra alors sûrement des sanctions contre le Tchad. Mais nous n’en sommes pas encore là.