En Tanzanie, l’arrestation du chef de l’opposition Freeman Mbowe agite la scène politique. Le capital sympathie de la présidente Samia Suluhu est-il en train de s’effriter ?
Est-ce la fin de l’état de grâce pour Samia Suluhu Hassan, quatre mois, jour pour jour, après son arrivée au pouvoir ? Un élu du parti Chama cha Mapinduzi (CCM) de la présidente voit en tout cas « une grave erreur » dans ce qui vient de se dérouler en Tanzanie. L’ancien député et chef du parti d’opposition Chadema, Freeman Aikaeli Mbowe, a été arrêté dans la nuit de mardi à mercredi. Selon l’une des militantes du parti, Maria Tsehai, les forces de sécurité auraient enfoncé sa porte et interpellé l’opposant à 3 heures du matin. L’arrestation a eu lieu dans un hôtel de la ville de Mwanza.
L’arrestation de Mbowe intervient quelques heures à peine après une conférence de presse que l’opposant a tenue à Dar es Salam, réclamant une nouvelle Constitution. Pour Mbowe et son parti Chadema, la Constitution tanzanienne actuelle est « xénophobe et totalitaire », comme l’était le défunt président, pourtant très populaire, John Magufuli.
La présidente Samia Suluhu Hassan avait pourtant largement rompu avec l’héritage de Magufuli. Elle a gracié plusieurs prisonniers d’opinion, dont des membres de Chadema, et redonné à la presse une certaine liberté jusqu’ici perdue. La nouvelle présidente pouvait aussi se targuer d’un excellent bilan diplomatique et économique, en à peine quelques mois de mandat.
L’opposition dénonce une dictature
Mbowe représente, pour sa part, la gauche socialiste tanzanienne. Il a été très critique vis-à-vis des mesures sanitaires de l’ancien président John Magufuli. En l’occurrence, les partisans de Chadema avaient boycotté les traitements traditionnels et les chambres à vapeur que l’Etat avait installées sous Magufuli pour traiter les Tanzaniens présentant des symptômes de la Covid-19.
Depuis l’arrestation de Freeman Mbowe, son parti, ses amis et sa famille exigent des précisions quant aux charges retenues contre l’opposant. Mbowe et d’autres membres de son parti, également interpellés le même soir, comptaient organiser des discussions quant à une éventuelle révision constitutionnelle. Certains appelaient même à la rédaction d’une nouvelle constitution.
Freeman Mbowe avait, dans une vidéo, fustigé le pouvoir : « Nous ne pouvons continuer avec l’ordre ancien. Nous avons le droit de nous réunir, disait-il. S’ils veulent arrêter tous les membres de Chadema, qu’ils élargissent les prisons car nous sommes tous prêts à être arrêtés et nous ne demandons pas de libération sous caution ». Le candidat du Chadema à la dernière élection présidentielle en Tanzanie, Tundu Lissu, a lancé un appel aux partenaires internationaux de la Tanzanie. Selon lui, les alliés « devraient arrêter de subventionner la dictature du CCM », faisant ainsi allusion à une continuité entre la politique de Magufuli et celle de Samia Sulhu Hassan.
Du côté du parti du pouvoir, si certains se sont opposés à l’arrestation de Mbowe, les autres soutiennent la présidente. Ils affirment que l’arrestation de l’opposant peut s’expliquer par le contexte sanitaire : le rassemblement prévu pour mercredi devait réunir entre 200 et 300 personnes dans la salle de conférence de l’hôtel où Mbowe et ses partisans ont été arrêtés.
[ 🇹🇿 TANZANIE ]
🔸Le chef du principal parti d'opposition tanzanien Chadema, Freeman Mbowe et d'autres membres ont été arrêtés avant une conférence prévue pour exiger des réformes constitutionnelles. pic.twitter.com/VDqGY4aOVI
— (Little) Think Tank (@L_ThinkTank) July 21, 2021