Ce jeudi 27 mai, Macron ira à Kigali. La responsabilité française dans le génocide Tutsi fait polémique. Macron présentera-t-il des excuses officielles au Rwanda ? Et qu’en-est-il des autres objectifs de son voyage ?
Un humouriste qualifierait le voyage de Macron au Rwanda ainsi : « Il est allé en visite de travail… voyage diplomatique… enfin, il est allé traîner quoi ». Cette phrase culte de Fellag résumerait le voyage tant attendu d’Emmanuel Macron au Rwanda.
Depuis la publication des rapports Muse et Duclert, le président rwandais Paul Kagame est monté au créneau. Entre devoir de mémoire et assomptions françaises mitigées, le génocide rwandais de 1994 reste insoluble. Le président français pensait juguler le sentiment anti-français au Rwanda moyennant sa légendaire sympathie, mais Paul Kagame voudrait probablement du concret. En effet, le président rwandais est très déterminé à obtenir des excuses officielles de la France. Pour Kagame, ce serait un coup de com significatif. Pour Macron, des excuses représenteraient un coup de brosse à l’œil.
Selon le chef d’Etat rwandais, l’établissement de la responsabilité française n’est pas un aveu de complicité. Paul Kagame a aussi déclaré : « Nous avons fait 85 à 90% du travail pour normaliser les choses avec la France. Il ne faudrait pas perdre du temps sur les 10 ou 15% restants ». On ne pourrait que spéculer sur ce petit pourcentage évoqué par Kagame.
Quoi qu’il en soit, le président du Rwanda a fait quelques bavures à Paris. Ses déclarations concernant le rapport Mapping lui ont valu les foudres de la RDC. De son côté, Tshisekedi a renoué avec Musevini, et l’Ouganda a conclu une alliance militaire des plus exhaustives avec la RDC. Ce qui signifie que Kagame a perdu des amis africains, et qu’il cherche des remplaçants au teint plus clair.
🔵Retour en image sur la deuxième journée de travail du Président Paul #Kagame en #France. 🇷🇼🇫🇷 pic.twitter.com/D8j3w17at4
— 🇷🇼Rwanda en Belgique🇧🇪 (@RwandaInBelgium) May 20, 2021
Macron à Kigali : la carotte ou le bâton ?
Rien de plus opportun et propice, donc, que la visite de Macron dans ce contexte. Le président français cherche à revaloriser sa Françafrique. Et à cette fin, selon le pays, il y a mis la carotte et le bâton. Pour le Rwanda, tout porte à croire que la carotte est présagée. Cependant, le Rwanda souffre d’une crise économique, qui serait sans doute aggravée par les aventures parisiennes de Paul Kagame.
Lors du Sommet pour les économies africaines, tenu le 18 mai à Paris, Macron a pris plusieurs décisions. Parmi elles, une levée inattendue d’une partie de la dette soudanaise. Or, le Soudan est loin d’être un enjeu immédiat pour Macron dans la conquête de l’Afrique. Le Rwanda, lui, l’est beaucoup plus.
Le Rwanda est pourvu d’une proximité intéressante avec la plupart des centres stratégiques des investissements occidentaux en Afrique de l’Est. Tant et si bien que les analystes considèrent le Rwanda comme la meilleure alternative de la France pour s’installer dans la sous-région. Toutefois, Kagame s’attend à des concessions d’envergure de la part de Macron. Il a bien établi le contraste entre les administrations françaises en évoquant Sarkozy dans une interview. Selon Kagame : « Après que Sarkozy ait visité Kigali en 2010, l’éclaircie dans les relations de nos pays a joué un rôle important ». Il a rajouté : « Malheureusement, le rapprochement n’a jamais été mené à son terme », a déclaré Paul Kagame.
#France #Rwanda: “La France toujours aveugle au Rwanda” 5 millions de victimes en #RDC, des rapports accablants sur les droits de l’homme! Cette hypocrisie de @EmmanuelMacron de continuer à financer un criminel est une honte pour #France, pays des droits de l'homme! @Elysee @hrw pic.twitter.com/aQTSfcS3gK
— Abdallah Nduhirabandi (@ANduhirabandi) May 20, 2021
Qu’attendent les Rwandais de la visite de Macron ?
Selon la présidence française, Macron et Kagame « se sont félicités des derniers développements favorables. Et ont confirmé qu’ils iraient plus loin dans la normalisation de la relation entre la France et le Rwanda ». Néanmoins, outre les excuses et la bonne volonté, les rwandais s’attendent à autre chose de la visite française. A savoir les non-dits du Sommet parisien. La soutenabilité des dettes publiques et le rôle du secteur privé dans a relance économique touchent à l’avenir des Rwandais. Le traitement médiatique de l’endettement des pays africains est trop simplifié. Selon un sondage d’African Youth Survey, 49% des jeunes Africains estiment que le continent va dans la mauvaise direction. Selon une étude de l’Université de Hambourg, 53% des Rwandais auraient la même considération vis-à-vis de la gouvernance de Paul Kagame.
Le président rwandais depuis 2000, qui a été vice-président depuis 1994, est tenu de trouver une solution à ces considérations. Et autant les excuses pour le génocide apaiseraient les plus vieux. Autant elles ne changeraient rien pour le futur des 56% de Rwandais âgés de moins de 18 ans.
Je crois il s’est courbé juste pour être à la taille de Macron mais Kagamé est loin d’être un fan de ce dernier ou de la France
— Ahmat Al Mountassir (@Mounti65) May 22, 2021