La commission électorale nationale d’Ethiopie (NEBE) a décidé de reporter les élections législatives. Initialement prévues pour août 2020, puis retardées jusqu’au 5 juin prochain, ce nouveau report sine die témoigne d’un climat malsain.
En raison de « problèmes de sécurité et de logistique », l’Ethiopie a retardé à nouveau ses élections législatives, attendues depuis presque un an. La commission électorale a déclaré que les retards dans l’ouverture des bureaux de vote et l’inscription des électeurs étaient en cause. Néanmoins, d’autres raisons expliqueraient ce retard. Outre une nouvelle tendance d’Abiy Ahmed de centraliser le pouvoir, le boycott de l’opposition, ainsi que la guerre civile, contribuent à ce nouveau report.
Bien que la NEBE ait précisé que ce nouveau retard ne prendrait pas plus de trois semaines, un souci ne se réglerait pas sans volonté politique. Les problèmes liés aux élections éthiopiennes ne s’arrêtent pas à la logistique. La guerre du Tigré élimine le parti Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) de la course. Le parti politique, qui a été longtemps au pouvoir en Ethiopie, a été classé comme organisation terroriste par Addis-Abeba récemment. Ce qui a causé un tollé chez la classe politique éthiopienne.
Des problèmes logistiques ?
Toutefois, la NEBE n’a pas hésité à spécifier les « problèmes logistiques » auxquels elle fait face. En l’occurrence, la commission a parlé de finalisation des inscriptions, de formation du personnel électoral et d’impression des bulletins de vote. Or, depuis juin 2020, la NEBE n’a pas organisé une seule session de recrutement. Le personnel de la commission est resté fixe depuis les dernières élections. Cela reviendrait donc à admettre que la NEBE a organisé des élections avec un personnel mal formé. Quant aux bulletins de vote, l’Ethiopie serait le premier pays dans l’histoire à retarder des élections, trois mois avant le scrutin, pour cette raison.
Donc, la réalité ne peut être qu’autre. La classe politique éthiopienne fait majoritairement partie de la coalition du Premier ministre Abiy Ahmed. La seule opposition légale qui existe a boycotté le vote, le qualifiant de « farce ». Quant au FLPT, qui dirigeait le Tigré l’année dernière, il a tout de même tenu ses élections régionales malgré le report national. Les élections ont été des plus représentatives, avec un taux de participation de 86% et peu d’irrégularités relevées. C’était l’un des facteurs qui ont conduit au conflit entre le Tigré et le gouvernement actuel.
Le report des élections devrait donc conduire à plus de critiques du Premier ministre. Abiy Ahmed est déjà accusé de vouloir se maintenir au pouvoir par tous les moyens. En ce qui concerne la guerre du Tigré, les perspectives sont plus que négatives. Les combats ont fait des milliers de morts, et causé l’isolement de l’Ethiopie au niveau international. Les Etats-Unis ont récemment qualifié ce que font l’armée éthiopienne et son alliée érythréenne de « nettoyage ethnique ».
Encore plus de soucis
Il faut tout de même relever que la guerre et l’exclusion du FLPT ne sont pas les seules vraies raisons du report des élections. Il n’y a eu, depuis le début de l’enregistrement des électeurs, que 36 millions d’inscrits. Or, les élections éthiopiennes ont connu la participation de 50 millions de votants lors des dernières élections. Et même ces dernières n’étaient pas représentatives de la volonté populaire, le pays compte 115 millions d’habitants dont au moins 80 millions sont capables de voter.
Il y a aussi certaines régions qui ne participent pas à cause des conflits locaux. L’arrivée d’Abiy Ahmed, le premier oromo au pouvoir, en 2018 a fait beaucoup de mécontents. Notamment, les habitants de la région d’Amhara et d’Oromia ont connu une lourde répression de l’Etat. Ces régions connaissent une résurgence des manifestations antigouvernementales. Des centaines de morts sont tombés sous les balles des forces armées éthiopiennes.
Enfin, le contexte pandémique complique davantage le processus électoral. De plus, l’arrivée de la saison des pluies, qui s’étend jusqu’à septembre, empêcherait le quart des inscrits de voter pendant les prochains mois.