Étant donné que le variant Omicron s’est déjà propagé au-delà de l’Afrique australe, l’interdiction des voyageurs en provenance de cette zone ralentira sa propagation, mais ne la stoppera pas.
La découverte du variant B.1.1.529 du SARS-CoV-2, baptisé « Omicron » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), suscite l’inquiétude au niveau mondial, et a mis la planète en état d’alerte général. Et pour cause : l’OMS l’a déclaré « variant préoccupant » , car sa protéine Spike présente un large éventail de mutations, ce qui fait craindre que les vaccins et les traitements actuels s’avérent moins efficaces pour le combattre.
Bien qu’il soit encore trop tôt pour en être certain, Omicron semble par ailleurs être capable de réinfecter les gens plus facilement que les autres souches.
Suivant l’exemple des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni et de l’Union européenne notamment, l’Australie a elle aussi fermé ses frontières aux voyageurs en provenance de plusieurs pays d’Afrique australe.
Les citoyens australiens qui cherchent à rentrer chez eux depuis l’Afrique australe pourront le faire, mais à leur arrivée ils devront rester en quarantaine à l’hôtel et passer des tests. Ceux qui, au cours des deux semaines passées, sont revenus des neuf pays concernés – Afrique du Sud, Namibie, Zimbabwe, Botswana, Lesotho, Eswatini, Seychelles, Malawi et Mozambique – devront quant à eux s’isoler.
Le problème est qu’Omicron a déjà été détecté dans d’autres régions du monde que l’Afrique, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne, en Israël, à Hong Kong et en Belgique. Ainsi, si une interdiction de voyager dans les pays d’Afrique australe peut ralentir sa propagation et faire gagner un peu de temps, il est peu probable qu’elle suffise à l’arrêter complètement.
Les gouvernements d’Australie et d’autres pays mettent en place ces restrictions pour tenter de protéger leurs propres citoyens. Cependant, ces mesures devraient s’accompagner d’un déblocage de ressources supplémentaires destiné à soutenir les réponses mises en place par les pays d’Afrique australe et d’ailleurs.
Quand Omicron a-t-il été détecté ?
Ce variant a été identifié le 22 novembre en Afrique du Sud, à partir d’un échantillon prélevé sur un patient le 9 novembre.
Les virologues sud-africains ont agi rapidement : ils se sont entretenus avec leurs collègues par l’intermédiaire du Réseau de surveillance génomique en Afrique du Sud, et ont assuré la liaison avec leur gouvernement tout en informant l’Organisation mondiale de la santé, le 24 novembre.
Cette démarche est conforme au Règlement sanitaire international, qui fixe les directives selon lesquels les pays sont censés réagir dans un tel contexte.
La façon dont se comporte ce nouveau variant n’est toujours pas claire. Certains spécialistes ont affirmé que le taux de croissance des infections par Omicron, qui reflète sa transmissibilité, pourrait être encore plus élevé que celui du variant Delta. Cela reste à prouver, mais si c’est le cas, il s’agit d’une information préoccupante.
Une réaction « réflexe » qui diffère des recommandations de l’OMS
Les scientifiques et les hommes politiques africains ont été déçus par la mise en place des mesures dʼinterdiction, qu’ils considèrent comme une réaction « réflexe » de la part des pays qui les imposent. Ils affirment qu’elles auront des effets négatifs importants sur l’économie sud-africaine, qui accueille traditionnellement des touristes du monde entier pendant la période estivale de fin d’année.
Ils soulignent également que l’on ne sait toujours pas si ce nouveau variant provient effectivement d’Afrique du Sud, même s’il y a été identifié pour la première fois. Étant donné qu’Omicron a déjà été détecté dans plusieurs autres pays, il se peut qu’il circule déjà dans des régions non incluses dans les interdictions de voyages.
Par ailleurs, l’OMS ne recommande généralement pas la mise en place d’interdictions de vol ou d’autres formes d’embargo sur les voyages. Elle préconise plutôt de donner la priorité aux interventions dont l’efficacité est avérée : vaccination, hygiène des mains, distanciation physique, masques bien ajustés et bonne ventilation.
Pour faire face à l’émergence de variants préoccupants, l’organisation appelle tous les pays à renforcer la surveillance et le séquençage, à signaler les premiers cas ou groupes de cas et à entreprendre des enquêtes afin de mieux comprendre la façon dont ils se comportent. Or, les restrictions de voyages imposées aux pays qui détectent de nouveaux variants, et les pertes économiques qui en découlent, pourraient à l’avenir dissuader certains pays de révéler la présence de variants préoccupants sur leur territoire.
Le variant Omicron doit être pris au sérieux, car ses caractéristiques sont inquiétantes. Mais nos connaissances actuelles à son sujet sont encore largement lacunaires. Tandis que sont entreprises des analyses plus approfondies, il convient de le surveiller en permanence, et de contrôler sa dissémination en appliquant le triptyque de mesures de santé publiques désormais bien connu : tester, tracer, isoler.
Que peuvent faire les pays à haut revenu pour aider ?
Les pays comme l’Australie doivent aider les nations africaines et les autres pays à partager les alertes précoces concernant les menaces de maladies transmissibles potentiellement graves, et contribuer à atténuer ces menaces.
Comme l’a noté le Groupe indépendant sur la préparation et la réponse aux pandémies en mai :
« (…) les acteurs de la santé publique ne voient que des inconvénients à attirer l’attention sur une épidémie qui a le potentiel de se propager. »
Ce groupe d’experts recommande de créer des incitations afin de récompenser les actions de réaction rapide. Celles-ci pourraient inclure divers soutiens afin :
- dʼétablir des partenariats dans les secteurs de la recherche et de l’éducation ;
- de renforcer les systèmes de santé et la surveillance des maladies transmissibles ;
- dʼaméliorer considérablement la disponibilité des vaccins, améliorer leur mise à disposition et veiller à l’équité de leur distribution ;
- dʼenvisager une compensation financière, qui pourrait prendre la forme d’un de fonds de solidarité contre le risque de pandémie.
Il est essentiel de renforcer la couverture vaccinale
Les vaccins demeurent le principal pilier dans la protection contre les effets les plus graves du COVID-19. Bien que leur degré d’efficacité contre le variant Omicron ne soit pas encore clair, il est probable qu’ils confèrent au moins un certain niveau de protection. Si nécessaire, le laboratoire Pfizer a également indiqué qu’il était en mesure de développer un vaccin efficace contre un nouveau variant tel que celui-ci en une centaine de jours.
La persistance de la pandémie de Covid-19 est en partie attribuable à une couverture vaccinale inégale dans de nombreuses régions du monde, notamment dans les pays les moins développés. L’Afrique du Sud elle-même est mieux lotie que la plupart des pays du continent, mais 24 % seulement de sa population adulte est pour l’instant complètement vaccinée. À l’échelle de l’Afrique, ce chiffre tombe à 7,2 %. Une aide internationale plus importante est nécessaire de toute urgence pour améliorer ces taux de vaccination.
Les institutions et les dirigeants africains, soutenus par des experts en santé globale et en vaccinologie, ont plaidé en faveur de l’installation d’usines de production de vaccins à ARNm sur le continent africain. Celles-ci permettraient de donner la priorité aux populations régionales, de surmonter les problèmes des chaînes d’approvisionnement et de répondre en temps réel aux menaces de maladies émergentes.
Pourtant, les pays en développement se heurtent à d’importants obstacles lorsqu’il s’agit d’obtenir les accords de propriété intellectuelle relatifs au développement et à la production de vaccins contre le Covid-19.
Alors qu’il reste encore beaucoup à apprendre à propos du comportement et de l’impact d’Omicron sur la pandémie, la communauté internationale doit faire montre de son engagement à soutenir réellement les pays qui adoptent des comportements appropriés dans la lutte contre la Covid-19, en partageant rapidement et de manière transparente les informations qu’ils détiennent.
Anthony Zwi, Professeur de santé et développement, UNSW
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.