Le compte officiel du président du Nigéria Muhammadu Buhari, sur le réseau social Twitter, a été suspendu. Cette décision a eu lieu après que Twitter ait supprimé un message de Buhari, où il commentait sur la situation à Biafra.
Twitter a supprimé un message du président nigérian Muhammadu Buhari, où il menaçait le groupe des Peuples Indigènes du Biafra (IPOB). Ensuite, les modérateurs de Twitter ont même suspendu le compte du président pendant 12 heures.
En effet, cela fait des mois que la violence contre les agents de l’Etat connait une escalade dans l’Etat du Biafra. Le mouvement séparatiste biafrais, l’IPOB, est accusé de plusieurs crimes. En l’occurrence, l’assaut de la prison d’Imo, pendant lequel 1844 détenus se sont échappés. Puis, le mouvement a provoqué une désobéissance civile généralisée le dimanche 30 mai. L’IPOB a demandé aux citoyens de plusieurs villes majeures de boycotter les commémorations de la guerre de 1967. Selon l’IPOB, majoritairement haoussa et yoruba de descendance Igbo, les morts civiles ne méritaient pas un deuil.
Le lendemain, le 31 mai, Ahmed Gulak, un proche de l’ancien président Goodluck Jonathan, a été tué sur la route de l’aéroport d’Owerri. Gulak avait souvent critiqué l’IPOB pour les attentats au Sud-Est du pays. Les autorités ont accusé l’IPOB, qui a nié. Le président a donc tweeté sur la situation dans le Sud-Est du pays, accusant l’IPOB de violences répétées contre l’Etat. Il a aussi affirmé que ces exactions seront punies.
The Nigeria-Biafra War stories when told in recent years, have been all about the Igbos as victims of the war without any mention of the ethnic minority groups in the now defunct Eastern region who were massacred, raped, their lives & properties destroyed by Biafran Soldiers. (1) pic.twitter.com/iahOSUaNcL
— Nwo-Diali PH 💭 (@Manlike_ED) June 1, 2021
Entre Twitter et Muhammadu Buhari, ce n’est pas le grand amour non plus
Rappelons que le réseau social Twitter entretient des relations pour le moins hostiles envers l’Etat nigérian. En effet, le gouvernement a souvent dénoncé que Twitter modérait les propos de l’Etat, mais pas ceux, plus hostiles, qui appellent à l’insurrection et à la violence.
Il est vrai que le gouvernement nigérian fait face à plusieurs critiques. La présidence, un peu moins. Les forces armées militaires et civiles sont quant à elles les plus critiquées, surtout sur les réseaux sociaux. De nombreuses tendances accusent la police d’excès de zèle, voire de violence et de répression. A l’image du #EndSARS suite aux violences policières meurtrières à Lagos.
Du côté des forces militaires, c’est plutôt le contraire. Les Nigérians accusent l’armée de laxisme dans l’affrontement des bandits et des groupes terroristes au Nord et dans l’Ouest du pays. Et entre les deux tendances, la grande criminalité sévit dans le pays. Ce qui explique la détresse du président Buhari, mais n’explique pas le deux poids, deux mesures de Twitter.
Le choix du Ghana pour le premier bureau africain de Twitter a envenimé la relation entre le réseau social et l’Etat nigérian. En effet, le PDG de Twitter, Jack Dorsey, a choisi Accra pour établir sa présence en Afrique. Cela contrastait avec des promesses que Jack Dorsey avait faites à Muhammadu Buhari, ce qui n’a pas manqué de détériorer le rapport entre les deux.
Jack supported us during #Endsars protest, that made Nigerians love him. If he deletes or restrict Buhari's account, the entire world would not be able to contain the love that'll flow from Nig
— Michael™ (@SmallG0d) June 2, 2021
Un conflit ethnique inacceptable
Le conflit entre l’Etat nigérian central et le Biafra avait commencé dans les années 1960 et causé plus d’un million de morts entre les combattants, les soldats et les civils malades et affamés. Le président Buhari avait servi dans l’armée contre les sécessionnistes et était le chef d’état-major du Nigéria dans les années 1980.
Dans son tweet, il insistait que ceux qui boycottent la commémoration seraient « trop jeunes pour se souvenir des morts et de la destruction de la guerre civile ». Il a donc déclaré, se référant à l’IPOB : « Ceux d’entre nous qui avons traversé la guerre, les traiterons dans la langue qu’ils comprennent ».
L’assassinat d’Ahmed Gulak et le dénigrement de l’évènement national ne sont pas les seuls reproches que Buhari impute à l’IPOB. Le Nigéria a connu une série d’incendies criminels contre des bureaux électoraux dans la région. Des centaines d’officiers de police ont été tués dans le Biafra. L’omerta des populations, motivée par des raisons ethniques ou par peur, empêchait souvent de désigner des coupables de ces crimes. Toutefois, il est de commun accord que l’IPOB et les autres milices du Sud-Est sont motivés et armés.
Ce qui explique l’exaspération du président, outre les attaques contre les agents de l’Etat, est le traitement que subissent les peuls, son propre groupe ethnique, dans la région. En effet, les peuls d’Ebonyi se font souvent attaquer par les milices igbo. De surcroit, les menaces du président n’étaient pas violentes, bien que maladroites. La position du gouvernement serait donc tout à fait légitime. Le ministre de l’Information, Lai Mohammed, a rejeté l’action de Twitter. Il estime que Buhari avait « parfaitement le droit d’exprimer sa consternation face à la violence d’une organisation interdite ».