Le gouvernement du Nigéria a déclaré qu’il suspendrait indéfiniment Twitter au pays. Cette annonce intervient deux jours après que le média social a suspendu le compte du président Muhammadu Buhari.
L’Etat du Nigéria a annoncé qu’il arrêterait les opérations de Twitter. Cette décision est une réaction à l’annonce de suspension du compte du président Muhammadu Buhari, que le gouvernement a considérée abusive. En effet, la modération de Twitter avait pris cette mesure après un tweet du président nigérian où il menaçait les sécessionnistes de représailles après leurs attaques répétitives contre des agents de l’Etat.
La suspension de Twitter interviendrait avant celle du compte de Buhari. Il est donc clair que le gouvernement n’ait pas laissé de temps au réseau social d’appliquer sa décision. D’un côté, l’Etat nigérian considère sa décision comme une expression de sa souveraineté. D’un autre côté, les utilisateurs ont exprimé leur indignation. Twitter est extrêmement populaire au pays.
Le ministre de l’Information, Lai Raufu Mohammed, a expliqué l’arrêt d’activité de Twitter par « L’utilisation persistante de Twitter pour des activités qui sapent l’existence de l’Etat nigérian (sur l’espace digital) ». Il faisait ainsi allusion aux enquêtes gouvernementales successives contre Facebook. En effet, le réseau de Zuckerberg a été attaqué en justice dans 9 pays différents, dont les Etats-Unis. L’immixtion de Twitter dans la politique souveraine des Etats se dirige aussi dans ce sens.
Abus de pouvoir ou défense de la liberté d’expression ? Pour le consommateur nigérian, peu d’alternatives existent. Les réseaux sociaux sont devenus, de facto, des plateformes pour s’accaparer l’opinion. Du côté de Twitter, la société a déclaré : « l’annonce du Nigéria est profondément préoccupante », lit-ont dans un communiqué.
Twitter sape-t-il activement l’autorité de l’Etat au Nigéria ?
Mercredi, le géant américain, dirigé par Jack Dorsey a annoncé que le message du président nigérian aurait violé la politique de Twitter. Or, dans un cadre juridique, on ne peut imputer l’accusation de « menaces de violence » à Muhammadu Buhari. Le président nigérian a écrit : « Les jeunes qui causent des troubles (au Biafra) sont trop jeunes pour se rappeler le chaos de la guerre civile. Nous qui avons connu ses dangers les traiterons dans la langue qu’ils comprennent », lit-on sur le fameux tweet.
Une menace subliminale, mais sur Twitter, les messages des Biafrais ont été plus violents et directs. Cependant, Twitter ne les censure pas. Non pas par souci d’équité, mais pour maintenir une ligne adoptée envers l’Etat nigérian depuis deux ans. En effet, le directeur général de Twitter Jack Dorsey a souvent provoqué le Nigéria. Lors de la crise des violences policières en octobre, Twitter avait systématiquement supprimé les messages du gouvernement appelant à l’apaisement. Toutefois, les messages zélés des fauteurs de troubles qui appelaient à convertir les manifestations en émeutes existent encore aujourd’hui.
D’un point de vue purement légal, Twitter outrepasse la loi nationale du Nigéria, mais aussi les lois internationales. Les textes légaux universels surplombent la loi nationale de n’importe quel Etat. Mais à l’image de Facebook qui installe sa propre Cour qui juge de ses propres agissements, Twitter se considère aussi au-dessus des normes légales.
Pour raison, la puissance de Facebook et Twitter semble incontrôlable. Au point où actuellement, les Nigérians se mettent majoritairement du côté du réseau social. Or, ni Jack Dorsey, ni les autres dirigeants de Twitter ne sont Nigérians ou Africains. Lors d’une interview de Jack Dorsey et de la responsable des algorithmes de censure de la société, Vijaya Gadde, cette dernière considérait l’Afrique un unique pays.
Bloquer l’IP de Twitter, une solution tampon ?
En Avril, le ministre nigérian de l’Information avait réagi avec colère lorsque Twitter avait choisi le Ghana pour son premier bureau africain. Il a déclaré que la société avait été « influencée par les fausses déclarations des médias sur le Nigéria ». Lors des manifestations contre les violences policières, Jack Dorsey avait pris position en tweetant pour encourager ses abonnés à faire un don au mouvement #EndSARS.
Le président Muhammadu Buhari avait alors appelé à une forme de réglementation sur Twitter. Il considérait que trop de fausses nouvelles et d’appels à la violence circulaient. Il avait aussi souligné les faux chiffres de blessés rapportés sur Twitter par des utilisateurs, pas toujours Nigérians.
Pour les utilisateurs, le conflit entre l’Etat et le réseau social serait « une tentative de censure de la dissidence ». Qui n’est pas sans rappeler la déclaration de la chercheuse Anietie Ewang, de Human Rights Watch (HRW). Elle avait écrit : « Cette action répressive est une tentative claire de censurer la dissidence et d’étouffer l’espace civique ».
Le PDG de SocialFlow, Jim Anderson, a déclaré : « Il y a un défi plus pragmatique, c’est de savoir comment appliquer l’interdiction de Twitter ». Pour Anderson, les raisons de fond du gouvernement nigérian perdraient de leur pertinence si elles passaient par la censure sans offrir d’alternative. « C’est difficile à faire, bloquer l’adresse IP de Twitter peut être contourné par les utilisateurs », a-t-il déclaré.
Il a ajouté : « La Chine a bloqué Twitter, mais des dizaines de millions de Chinois y accèdent encore. La censure ne peut pas combattre l’endoctrinement ». Il semble donc que les soucis du Nigéria avec Twitter ne sont pas près de finir. Il existe plusieurs VPN qui permettent de contourner un éventuel blocage de l’IP au niveau des utilisateurs Nigérians.
“Whoever advised you to suspend Twitter in Nigeria is your biggest enemy” – FFK tells President Buhari https://t.co/ApCVqfi5hC
— Gistsbaze.com (@gistsbaze) June 5, 2021