Depuis que le Camerounais Francis Ngannou s’est imposé dans la catégorie reine du MMA, est-il pour autant plus respecté ? L’UFC a décidé d’offrir un « titre intérimaire » au Français Ciryl Gane. Les deux champions s’affronteront le 22 janvier prochain.
L’organisation américaine d’arts martiaux mixtes (MMA), l’Ultimate Fighting Championship (UFC), est une véritable machine à cash. Son fondateur et président historique, Dana White, réussit à attirer les sponsors grâce à des shows exceptionnels. Pour ce faire, il peut compter sur la capacité technique et physique des combattants. Côté Afrique, davantage d’athlètes ont pu obtenir des titres. Un marché porteur. Si bien que l’UFC a annoncé une tournée africaine en 2022.
En 2019 déjà, les Nigérians Israël Adesanya et Kamaru Usman avaient été les deux premiers Africains à devenir champions du monde de l’Histoire du MMA. Le 27 mars 2021, le Camerounais Francis Ngannou est devenu le troisième athlète africain à obtenir une ceinture, cette fois dans la catégorie poids lourds. Le MMA est devenu l’un des sports plus suivis dans le monde. Et l’histoire de Ngannou a inspiré des milliers de fans. Le 22 janvier prochain, il doit défendre son titre face à Cyril Gane.
Ngannou et Gane, deux combattants, deux histoires
Issu d’une famille très pauvre de Batié, au Cameroun, et travaillant dans une mine de sable, ce n’est qu’en 2013 que Ngannou émigre en France. Sur place, l’association humanitaire « La Chorba » l’accueille et il commence son entrainement de MMA.
Quelques mois plus tard, il enchaîne les victoires et tape dans l’œil des promoteurs. En 2015, « Le Prédateur », comme on le surnomme, signe pour l’UFC et part aux Etats-Unis. Après quinze victoires, il affronte en mars le champion Stipe Miocic. Une revanche lors de laquelle il obtient son titre.
Lire : Francis Ngannou, le troisième Africain à conquérir un titre UFC
Depuis, l’UFC a fait un choix inexplicable. La fédération a en effet organisé un combat pour un titre « intérimaire ». Avec, dans la cage, le franco-guadeloupéen Ciryl Gane, un parfait inconnu dans le monde du MMA. Avec 10 victoires depuis 2018 et deux championnats de France de boxe thaïlandaise, Dana White avait signé Gane après sa victoire contre le Belgo-Marocain Yassine Boughanem, la star montante de muay-thaï.
Seulement voilà, Ciryl Gane est le deuxième Français à avoir une chance de titre de poids lourds à l’UFC. Et malgré une série de victoires, la logique de l’UFC imposait que Ngannou défende son titre, pas qu’un titre parallèle soit créé de toutes pièces pour Ciryl Gane. Francis Ngannou l’a mauvaise : « Oui, j’ai le sentiment que l’UFC m’a manqué de respect. Ils m’ont donné le titre de champion et, quelques mois plus tard, ils parlent de quelqu’un d’autre que je n’ai pas affronté comme champion ».
De son côté, Dana White a bien fait comprendre que si Ngannou perdait le combat, son contrat ne serait pas renouvelé.
Un duel politique ?
Pour les commentateurs de MMA, c’est un « Ngannou vs Miocic ter » qui aurait dû se tenir. Personne ne doute du talent du Français Ciryl « Bon Gamin » Gane. Mais la communauté MMA estime que l’UFC a pratiqué un « storytelling colonial », avec Gane jouant le rôle du tirailleur et Ngannou celui du champion africain délesté du prestige de son titre.
Le champion légitime et le champion intérimaire s’affronteront le 22 janvier prochain. Néanmoins, pour les fans de Ngannou au Cameroun et dans le monde, leur champion est injustement rabaissé. Et la symbolique, qui consiste à opposer « Le Prédateur », issu de l’immigration, au « Bon Gamin », métisse franco-français, n’échappe à personne. Si Ngannou avait fêté son titre au Cameroun, dans la mine de sable où il travaillait, Gane a fêté le sien à La Roche-sur-Yon, dans l’ouest de la France.
Dana White montre à tout le monde sa volonté de conquérir un marché français : « Avec un scénario parfait, oui, on irait en France, et on ferait ça là-bas », précise le manitou des arts martiaux en parlant du futur combat entre Ngannou et Gane. Pour le commentateur de MMA et ami personnel de Dana White, Joe Rogan, « il est immoral que l’UFC crée un titre pour favoriser Gane alors que Ngannou n’est ni blessé ni forfait ».
L’Afrique est-elle défavorisée ? Assurément, et ce n’est pas nouveau. Les deux autres champions africains de moyens et mi-moyens, Adesanya et Usman, ont dû défendre leurs titres respectifs à trois et à quatre reprises. Les détenteurs des titres dans les autres catégories ont défendu, au plus, leurs titres une seule fois pendant la même durée (depuis septembre 2019).
Ngannou et ses homologues nigérians sont-ils mal aimés par l’UFC ? Quoi qu’il en soit, la rencontre entre Ngannou et Gane sera un combat intrigant. Les supporters camerounais, eux, encourageront sans doute « Le Prédateur », qui reste, en raison de son incroyable puissance physique, « le combattant le plus dangereux au monde ».