Vendredi, Mohamed Bazoum a fustigé la junte militaire malienne, allant jusqu’à provoquer un incident diplomatique. Une sortie délibérée ou une simple maladresse ?
Attaque en règle ou maladresse ? Vendredi 9 juillet 2021, en visite à Paris où il a rencontré Emmanuel Macron, le président du Niger Mohamed Bazoum a vivement critiqué la junte militaire au pouvoir au Mali. « Il ne faut pas permettre que les militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être et que des colonels deviennent des ministres ou des chefs d’Etat ». Et Bazoum de poursuivre : « Qui va faire la guerre à leur place ? Ce serait facile si chaque fois qu’une armée de nos pays a un échec sur le terrain, elle vienne prendre le pouvoir ! » Après avoir rappelé les derniers coups d’Etat à Bamako, le président nigérien affirme alors que « ce ne sont pas des choses acceptables ».
Macron veut éviter de s’ingérer dans la politique malienne
En juin, l’Union africaine a exclu temporairement le Mali, comme la communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cedeao) un peu plus tôt, qui avait suspendu le pays de ses institutions mais n’avait prononcé aucune sanction contre Bamako, à qui elle avait infligé un embargo commercial et financier en août 2020. De son côté, Emmanuel Macron, le président français, affirme que la situation le « préoccupe sur le plan politique », mais assure avoir eu « les garanties de la part de la transition malienne » pour reprendre les opérations militaires conjointes. Le chef de l’Etat français a par ailleurs demandé à l’UA et à la Cedeao de « s’assurer que la transition respecte bien tous les principes qui ont été fixés ».
Bazoum, le messager de Paris ?
La sortie de route de Bazoum étonne en tout cas, de Bamako à Niamey. Dès ses déclarations, l’ambassadeur du Niger au Mali a été convoqué par la diplomatie malienne. Si la presse, à l’instar de Financial Afrik, y voit une potentielle « position ferme de Niamey, vitrine démocratique de la région », pour les observateurs, il ne peut s’agir que d’un dérapage ou d’un message envoyé pour le compte de la France, qui préfère rester officiellement neutre, vers la junte militaire de Bamako. Une façon également, pour Niamey, de se positionner en futur leader de la région. Emmanuel Macron a annoncé vouloir installer la Task Force Takuba à Niamey. Et le président français a, pour ce faire, besoin d’un président qui paraisse charismatique et engagé à ses côtés. Bazoum s’est d’ailleurs montré très conciliant avec Paris, vendredi : « Nous ne pouvons que souscrire avec ce que la France est en train de faire » au Mali, a-t-il affirmé.
Un Bazoum mal à l’aise, en opération séduction à Paris
Le voyage du président nigérien à Paris a d’ailleurs été symbolique. C’est tout sauf un hasard si Mohamed Bazoum a été le seul chef d’Etat du G5 Sahel à se rendre à Paris, quand les autres présidents ont participé à une réunion virtuelle. Emmanuel Macron voulait placer Bazoum au centre du jeu. Mais le nouvel homme fort du Niger est apparu mal à l’aise. « On l’a vu sur les photos de la rencontre, Bazoum avait les épaules basses et était recroquevillé, à côté d’un Macron droit et déterminé », confie un expert en communication politique. S’il veut s’imposer — et s’attirer les faveurs de la France —, Mohamed Bazoum doit se poser en leader régional. Et sa sortie provocatrice à l’encontre du Mali pourrait bien être un calcul pour séduire un Emmanuel Macron prêt à faire du Niger sa nouvelle base arrière dans le Sahel.