Alors que la relation entre le Mali et la France est au plus bas, le Premier ministre malien, Choguel Maïga, accuse ouvertement la France d’entraîner des combattants terroristes à Kidal.
Décidément, la crise diplomatique entre le Mali et la France est loin d’être terminée. Quelques jours après avoir fustigé « l’abandon en plein vol » de la France vis-à-vis de son pays, devant les Nations unies, le Premier ministre malien Choguel Maïga hausse une nouvelle fois le ton. Lors d’un entretien publié par le média russe Sputnik, Maïga accuse la France d’entrainer des combattants terroristes dans l’est du pays.
« Le Mali n’a pas accès à Kidal, c’est une enclave contrôlée par la France. Il y a des groupes armés entraînés par des officiers français », assure le Premier ministre malien qui affirme avoir « des preuves ».
Une affirmation qui risque d’embarrasser Paris. Alors qu’Emmanuel Macron a tenté de défendre la légitimité de son armée devant les jeunes Africains lors d’un Sommet Afrique-France pour le moins polémique, la situation semble désormais lui échapper au Mali. Le gouvernement malien dit « ne pas comprendre cette situation » et « ne pas vouloir la tolérer ».
Paris et sa diplomatie hostile envers le Mali
La dégringolade des relations entre le Mali et la France a débuté avec la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta. Les deux coups d’Etat successifs, en septembre 2020 puis en août 2021, ont été massivement appuyés par les populations et les responsables politiques. Et si le pouvoir militaire fait consensus au Mali, la réaction de Paris, qui tente d’imposer son idéologie, a fini par exaspérer tout un peuple.
Le conflit diplomatique, inévitable, s’enlise un peu plus. Après avoir joué des coudes pour faire sanctionner le Mali par la Cedeao, la BCEAO puis l’Union africaine, l’Union européenne et le FMI, le président français a annoncé le retrait de la moitié des forces antiterroristes de l’opération Barkhane, avant d’imposer un dispositif sécuritaire européen sans même consulter les autorités maliennes.
Surfant sur une hostilité africaine vis-à-vis de la France, le Mali est devenu intransigeant avec Paris. Conséquence : le Mali ne peut désormais plus compter que sur une liste réduite d’alliés, comprenant l’Algérie voisine, la Guinée — depuis le coup d’Etat contre Alpha Condé —, le Burkina Faso qui dépend grandement des produits maliens et la Russie, le Mali étant actuellement en pourparlers avec le groupe paramilitaire russe Wagner.
L’Algérie et le Mali pour une « décolonisation »
L’hostilité de l’Etat français et d’Emmanuel Macron ne se limite pas au Mali. Depuis la réduction drastique du nombre de visas octroyés aux pays du Maghreb, notamment l’Algérie, cette dernière a interdit le passage des avions militaires français sur son territoire. Le lendemain, et à peine trois jours après le retour triomphal à Bamako de Choguel Maïga, après son discours devant les Nations unies, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, s’est retrouvé aux côtés du dirigeant malien.
Lors d’une conférence de presse conjointe, Lamamra a déclaré : « Nos partenaires ‘étrangers’ ont besoin de décoloniser leur propre histoire. Ils ont besoin de se libérer de certaines attitudes, de certains comportements, qui sont intrinsèquement liés à la logique portée par la prétendue ‘mission civilisatrice’ de l’Occident. Qui a été la couverture idéologique pour essayer de faire passer la colonisation, un crime contre l’humanité ».
Et le chef de la diplomatie algérienne de poursuivre : « La décolonisation qui doit être opérée aujourd’hui s’annonce comme une priorité, pour faire en sorte que la faillite mémorielle que trahissent les propos (de Macron, ndlr) contre l’Algérie et le Mali se transforme en respect mutuel inconditionnel. Un respect de notre souveraineté, de notre indépendance ».
Il s’agit de la première position diplomatique commune, ouvertement anti-française, des deux pays voisins. L’Algérie et le Mali sont partenaires au niveau de la sécurité des frontières communes, de la formation militaire, de l’éducation et de la sensibilisation contre le radicalisme. Le Mali importe aussi beaucoup de produits algériens, et les deux pays ont un programme actif d’échange d’étudiants.