Assimi Goïta, le président du Mali, estime que la transition doit durer cinq ans. La Cedeao n’est pas d’accord. Cette dernière va-t-elle négocier ou alourdir les sanctions contre Bamako ?
Il aurait pu accepter les conditions de la communauté internationale et renégocier une prolongation de la transition dans une ou deux années. Mais Assimi Goïta a décidé d’aller directement à la confrontation, notamment avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Un bras de fer engagé par le président de la République du Mali qui risque de n’être que le début.
En effet, le 1er janvier, la Cedeao a annoncé vouloir organiser un sommet extraordinaire sur le Mali ce samedi 9 janvier à Accra, au Ghana. Une annonce qui a fait suite à une déclaration de Goïta qui n’est pas passée inaperçue : le président de la transition malienne a indiqué vouloir proroger la période de transition de cinq ans.
Une déclaration qui fait suite aux Assises nationales de la refondation, qui se sont déroulées en fin d’année 2021. Assimi Goïta a, suite à ce rendez-vous, présenté une feuille de route à Nana Akufo-Addo, qui préside la Cedeao. Parmi les chantiers pour ce qui s’annonce comme un quinquennat, le militaire propose de mettre fin à l’insécurité au Mali et d’organiser plusieurs scrutins : une référendum constitutionnel en janvier 2024, des élections législatives et sénatoriales fin 2025 et une élection présidentielle à l’horizon 2026.
Désaccords à l’international et au Mali
Alors que la junte militaire est au pouvoir depuis près d’un an et demi, la feuille de route n’est pas passée auprès des membres de la Cedeao, qui veulent que la transition soit réduite à son strict minimum. Au Mali, plusieurs formations — la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’imam Dicko et le Parti pour la renaissance nationale — ont également estimé que cette feuille de route n’était pas pertinente. Ils la jugent « déraisonnable ».
On est loin du calendrier prévu initialement : en effet, c’est fin février 2022 que la présidentielle devait avoir lieu. Goïta a donc élargi la période de transition. Et ce, sans consulter les différents partis, assurent les formations qui ont participé à ces fameuses Assises de la refondation. Le mois dernier, il a certes été proposé d’allonger la transition. Mais d’un an seulement.
Et si le bras de fer engagé par Goïta n’était, en réalité, qu’une stratégie pour pouvoir être en position de force dans les discussions avec la Cedeao ? L’instance ouest-africaine pourrait en effet sortir grandie en cas de prolongation d’un an et demi à deux ans de la transition et Goïta aurait, de son côté, réussi à proroger cette période sans trop de difficultés.
Mais les militaires ont un atout de taille à jouer : l’opinion publique ne semble pas vouloir leur tourner le dos. L’insécurité est une des préoccupations majeurs du peuple malien, qui voit d’un bon œil la dégradation des relations entre le Mali et d’autres puissances étrangères comme la France.
Mais, malgré son inefficacité, la Cedeao pèse toujours dans le débat. Alassane Ouattara s’est imposé comme le principal relai entre l’instance sous-régionale et le Mali. Il a rencontré, il y a trois jours, Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères. Deux jours avant que l’ex-président du Nigéria, Goodluck Jonathan, ne se rende à Bamako.
Goïta ou la Cedeao, qui sortira vainqueur ?
Et la stratégie de Goïta a l’air de fonctionner : face à la volonté de prolonger la transition de cinq ans, la Cedeao est prête à revoir ses conditions. A condition qu’une élection présidentielle ait lieu, au plus tard, à la fin de l’année 2022. Après avoir interdit de voyage le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga et les différents ministres et imposé un certain nombre de sanctions, la Cedeao est-elle encore en position de négocier ?
Assimi Goïta le sait : si la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest veut le faire plier, il faudra qu’elle y mette du sien. En retirant les sanctions imposées au Mali ? Il s’agit en tout cas d’un pari qui peut être gagnant, mais qui reste risqué. Car si les chefs d’Etat de la Cedeao en venaient à alourdir les sanctions contre Bamako, le Mali serait encore plus isolé. Jeune Afrique assure d’ailleurs que la Cedeao veut saisir l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) pour lui demander de mettre le Mali sous le contrôle de la BCEAO. En touchant à l’économie malienne, la Cedeao reprendrait alors le contrôle des discussions.