Un rapport des Nations unies sur un affrontement en Libye indique qu’un drone de combat muni d’une intelligence artificielle a choisi d’engager des soldats. La nouvelle a provoqué un grand débat sur les armes autonomes.
Selon un rapport récent de l’ONU, un drone militaire autonome aurait attaqué des soldats lors d’une escarmouche en Libye, en mars 2020. L’incident s’est produit en pleine guerre civile. Le drone, de construction turque, aurait ciblé et choisi d’engager, sans intervention humaine, les forces armées libyennes de Haftar.
Les convois logistiques et les forces en retrait ont été « traqués et engagés à distance par un système d’armes monté sur un drone », affirme le rapport. Il cite aussi : « Le système létal suivait un mode opératoire semblable au STM Kargu-2 », lit-on. Le STM Kargu est un drone de combat développé par la Turquie. Il s’agit d’un drone de combat conçu pour la guerre asymétrique et il est utilisable en mode manuel comme automatique.
Or, le mode automatique, sous contrôle d’une IA, est rarement activé dans les zones de combat. Le Kargu, muni d’une intelligence artificielle, doit s’adapter au terrain et étudier les caractéristiques qui permettent d’identifier l’ennemi. En soi, le système est équipé d’une identification visuelle exactement pour cette tâche. Depuis l’avènement des armes intelligentes, les opérateurs n’autorisent jamais l’accès du mode combat à l’intelligence artificielle (IA).
Il y’a actuellement plus de 500 STM Kargu déployés sur le champ de bataille. Dont 500 utilisés par la Turquie en Syrie et en Libye, et une vingtaine affectée dans la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. L’engin compte deux utilisations meurtrières, toutes deux en 2020, dans la guerre au Haut-Karabagh et la troisième guerre civile libyenne.
Les armes intelligentes, sujet de désaccords
L’ONU avait tenté de faire voter un traité interdisant les armes autonomes en 2018. Cependant, la résolution a été bloquée à la fois par les Etats-Unis et la Russie. Ensuite, le média Politico avait dénoncé le véto, et plusieurs ONG ont milité pour interdire ces armes.
D’abord, le problème avec les armes automatisées est purement éthique. Au niveau technologique, ce serait une question de temps avant que ces armes ne puissent remplacer les humains efficacement à la guerre. Selon plusieurs entreprises d’armement, la robotisation de la guerre éviterait même les morts de civils. Toutefois, selon plusieurs spécialistes en IA, ce serait exactement le contraire. A écouter Elon Musk, l’IA serait une menace pour l’humanité.
Selon le cosmologiste et chercheur en automates suédois du MIT, Max Tegmark, seule la volonté politique des puissances mondiales pourrait mettre un coup d’arrêt à la commercialisation de cette technologie. Il avait tweeté à l’occasion de la publication du rapport de l’ONU : « La prolifération des robots tueurs a commencé ». Selon lui, la production en masse de « drones d’abattage bon marché » est une tendance destructrice. Il estime que « les dirigeants mondiaux doivent se mobiliser et prendre position », a-t-il écrit.
Toutefois, si on en croit un autre spécialiste, Zachary Kallenborn, les armes munies d’une IA serviraient exactement une cause opposée. Dans un papier scientifique publié par BoAS, il affirme que « si quelqu’un était tué dans une attaque menée par un drone, ce serait un premier cas historique ». En effet, le rapport de l’ONU prouve l’attaque contre des soldats humains en Libye, mais ne donne aucune preuve de mort.
Kamikaze Herd Drone . SÜRÜ
KARGU-2Tested in Libya and Armenia. pic.twitter.com/M7DHdoWrOg
— BÜYÜK TÜRKIYE🇹🇷 (@yeni_tarih) May 31, 2021
Verra-t-on des drones de combat en Afrique ?
L’assaut a eu lieu lors des combats de 2020 entre les forces du GNA de la tripolitaine et celles du maréchal Khalifa Haftar. Les soldats turcs, qui défendaient l’Ouest libyen contre les assauts de Haftar déployaient généralement les drones automatisés pour la reconnaissance. De son côté, Haftar est appuyé par les forces russes. Ce qui, au vu des capacités militaires de la Russie et de la Turquie, expliquerait une éventuelle dissimulation des preuves.
Néanmoins, rien ne prouve, en effet, que des soldats étaient morts de l’attaque. Toutefois, l’attaque a bien eu lieu, ses cibles étaient humaines, et son exécutant était une IA. C’est justement là la nouveauté de l’incident libyen. Aucun humain ne contrôlait l’arme. Ce qui ressemblerait bien à un scénario de science-fiction.
Une enquête commandée par l’ONU l’année dernière a révélé que 62% des personnes présentes dans des zones de combat affirment avoir été attaquées par des armes autonomes. Le pays qui utilise ces armes le plus est les Etats-Unis.
Cependant, en Afrique, Plusieurs pays, surtout en Afrique centrale et en Afrique de l’Est se reposent sur les drones pour la cartographie à des fins humanitaires, agricoles ou scientifiques. Outre la Libye, les drones de combat n’ont été déployés en Afrique qu’en Somalie en 2016. Des rumeurs circulent sur la possession de l’Egypte, de l’Algérie et de l’Afrique du Sud de telles armes. En vue des désaccords entre les spécialistes sur l’éthique de guerre des IA, serait-ce une bonne ou une mauvaise idée qu’elles remplacent les humains à la gâchette ?