La relation « incestueuse » entre les différents groupes terroristes dans les pays du G5 Sahel a donné naissance, ces 10 dernières années, à deux des organisations les plus violentes dans l’histoire de la région.
Depuis la scission du groupe terroriste Al-Mourabitoune en 2015, suite au désaccord sur les principes au sein de son corps d’officiers, à savoir Adnane Abou Walid al-Sahraoui et Mokhtar Belmokhtar alias l’Aouer (le borgne), deux puissances clandestines naissent dans la zone frontalière entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso .
1-Abou Walid al-Sahraoui déclare son allégeance à l’Etat Islamique :
De son côté, Mokhtar Belmokhtar et ses fidèles rejoignent l’AQMI. Al-Sahraoui, en contrepartie, mise sur l’Etat Islamique. C’est d’ailleurs lui qui entame le « putsch » de 2015 en déclarant son allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi. Cette alliance est déclarée par l’Etat Islamique en 2016.
Au même moment, Djamel Okacha, commandant d’AQMI au Sahel, annonce que son organisation n’est pas en situation conflictuelle avec l’EIGS. Deux raisons expliquent ce choix :
- D’un côté, Al-Qaïda au Maghreb Islamique se démarquait par ses attaques subversives contre l’armée française et ciblait des postes stratégiques de l’ouest nigérien. Aucune expansion de son activité n’était envisagée jusqu’en 2017 à cause de son manque d’effectif.
- D’un autre côté, c’est exactement ce manque d’effectif que redoutait AQMI dans l’éventualité où le groupe (la katiba) d’al Sahraoui décidait de lui déclarer la guerre .
Au final, AQMi n’avait besoin que d’un hub dans les Savanes, apportant un soutien logistique à son réseau de cellules dormantes.
Mais l’EIGS accepte implicitement la trêve et en profite afin d’apporter du nouveau dans son mode opératoire. En partant du principe que la plupart des ressortissants des milices Touaregs, auparavant allié de choix d’Al-Qaïda, étaient en désaccord avec les idéaux « agnostiques » de Mokhtar Belmokhtar, un réseau de recrutement s’offrait à l’EIGS.
2-Les IED, le fléau du Mali :
L’EIGS commence alors les attaques par IED (engin explosif improvisé) sur les routes des patrouilles militaires de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali).
On remarque aussi le choix des terrains accidentés et des zones rurales pour les attaques par IED, ceci est dû à l’impraticabilité des routes pour les blindés déployés par les forces antiterroristes occidentales au Mali. La plupart de ces véhicules, des VBL (véhicule blindé léger), n’était pas munie de brouilleurs ou de surblindage, et les unités de déminage n’arrivaient plus à suivre le rythme des attaque de l’EIGS entre 2017 et 2020. Selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 219 morts civiles ont été causées par les IED au Mali seulement, et selon l’ACLED, ces morts civiles ne représentent que le tiers des morts par IED, au Mali, seulement !
- Ce mode opératoire en particulier n’a pas été inventé par l’EIGS, mais par la « maison mère » de l’Etat Islamique, son nouvel allié ; à savoir les Talibans au Moyen-Orient. Ceci expliquerait comment l’AFRICOM a subi beaucoup moins de pertes en Corne de l’Afrique et au Nigeria.
- Depuis la guerre d’Afghanistan et l’Invasion de l’Iraq, l’armée américaine et ses alliés ont procédé à adapter leurs blindés à cette menace, avec des systèmes de brouillage pour les VBL et un blindage réactif à tous les chars déployés en zone de combat. En comparaison, les VBL consacrés à l’opération Barkhane, et vendus aux alliés régionaux de la France (dont la MINUSMA), ne faisaient pas le poids face à la vague meurtrière des attaques par IED.
Comment fonctionne un IED
3-Les fusillades-surprises terrorisent le Burkina Faso :
Mais les EID n’étaient pas la source principale de la crise humanitaire au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Il s’agit plutôt d’un autre ajout à l’arsenal d’armes de l’EIGS : Les drives-by.
- Depuis 2018, les fusillades improvisées dans les villages du triangle Niger – BFA – Mali ont fait des milliers de morts civils. Sous la menace de ces attaques, fréquentes et meurtrières, des centaines de milliers de burkinabé ont commencé à fuir vers l’ouest du pays .
- Le 3 avril 2020, lors de la conférence de presse au Palais des Nations, le HCR sonne l’alarme face à cette calamité. Les casques bleus de l’ONU n’arrivant pas à protéger les camps de réfugiés de Goudoubo et de Dori, un nombre ahurissant de burkinabés s’est retrouvé privé de foyer et de sécurité.
Même si le trafic d’armes n’était pas un phénomène insolite dans la bande sahélo-saharienne à la naissance de l’EIGS, le groupe terroriste n’a jamais semblé en perte de vitesse quant à l’approvisionnement continu en armes légères et en munitions. En effet, les AK47 et les caisses de munitions 7.62 se vendaient à prix concurrentiel dans tous les villages du nord-est du Burkina Faso, surtout depuis que l’EIGS a gagné du terrain dans la région.