La somalie a organisé des funérailles d’Etat à son ex-président, Ali Mahdi Mohamed. Les candidats à l’élection présidentielle, ajournée, étaient tous présents. Une union de façade qui ne doit pas faire oublier la grave crise politique dans laquelle est plongée la Somalie.
L’ancien président Ali Mahdi Mohamed, décédé des suites de la Covid-19 en début de semaine au Kenya voisin, a eu le droit à des funérailles nationales. L’ancien chef de l’Etat a reçu les honneurs de la part de son successeur, Mohamed Farmaajo. Un hommage qui n’a pas permis d’occulter les problèmes politiques de la Somalie, où l’opposition juge le président Farmajo « illégitime », réclamant un « conseil national de transition » après l’ajournement de l’élection présidentielle initialement prévue le 8 février dernier.
Les funérailles d’Ali Mahdi Mohamed ont permis aux Somaliens de se remémorer une période tout aussi chaotique dans leur pays : le chef de l’Etat, lorsqu’il avait pris le pouvoir et la présidence du gouvernement intérimaire de Somalie, bénéficiait certes du soutien de la communauté internationale. Mais le pays était resté aux mains des chefs de guerre et des factions séparatistes… Lors de son départ en 1997, la Somalie était plongée dans une grave crise de laquelle on a l’impression que le pays ne sortira jamais.
L’ambiance autour du cortège funéraire était d’ailleurs tendue. Un important déploiement sécuritaire a rendu l’événement encore plus grave. Il faut dire que Mogadiscio a été la cible d’attaques répétées par des groupes terroristes. La dernière remonte au 5 mars, et elle a fait une vingtaine de morts. Mais l’heure était bien au deuil. Et à l’union ? Alors que les dirigeants somaliens ne parviennent pas à s’entendre sur la voie à suivre depuis la fin du mandat du président sortant le mois dernier, les funérailles ont été l’occasion de faire une pause dans une Somalie en plein blocage politique.
Des élections qui se font attendre
Le défunt Ali Mahdi Mohamed avait rejoint la politique tôt, devenant le plus jeune législateur du pays en 1969, avant la montée en puissance de Barre, qui renversa le gouvernement démocratiquement élu. Ces dernières années, Mohamed était devenu une personnalité respectée, jouant le rôle de « sage », mais également un homme d’affaires prospère qui a fait fortune en tant que propriétaire de l’un des plus beaux hôtels de la Somalie. Juste avant sa mort, il avait exhorté les dirigeants somaliens à organiser des élections pacifiques, alors que les tensions sont montées crescendo après le report des élections de février.
Et Mohamed savait de quoi il parlait, lui qui avait connu un pays en crise. « Personne ne peut contrôler ce pays en utilisant la force, alors j’en appelle à tous les dirigeants et le gouvernement actuel de convoquer des élections libres et équitables car l’alternative pourrait être une guerre civile », prévenait-il avant sa mort. Aujourd’hui encore, les élections somaliennes sont un sujet qui fâche. D’autant que la Somalie n’a jamais organisé de scrutin souverain, la communauté internationale —en particulier la Turquie, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et les Nations unies — appuyant à chaque fois un candidat.
Si la communauté internationale s’est parfois accordée sur le candidat à soutenir, cette fois, les ingérences étrangères, toutes discordantes, n’ont pas aidé le pays à se stabiliser. Alors que la Somalie enterrait son ancien président, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution prolongeant la présence des 25 000 soldats de l’Amisom jusqu’à la fin de l’année 2021. Et ce malgré le désaccord du Kenya, de la Tunisie et du Niger, qui regrettent que l’Union africaine n’ait pas été consultée.
La Turquie suit de près le dossier somalien
Le pays est plongé dans une impasse politique après le report des élections présidentielle et parlementaires, et l’expiration du mandat constitutionnel du président. Les récents affrontements entre les forces gouvernementales et les manifestants de l’opposition ont coûté la vie à au moins quatre personnes. Les récentes attaques d’Al-Shabab ont alourdi le triste bilan de 2021. Le président Mohamed Abdullah Mohamed a appelé les dirigeants régionaux à tenir des pourparlers pour trouver une solution politique.
Pour s’en sortir, le président somalien compte sur des appuis étrangers. Un peu comme en Libye, la Turquie est omniprésente en Somalie : le mois dernier, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, s’est dit « préoccupé par les récents développements résultant du différend sur le processus électoral en Somalie » et a estimé qu’il était « important que toutes les parties soient de bonne foi en évitant les étapes susceptibles de conduire à la violence, et que le gouvernement fédéral et les dirigeants des Etats membres fédéraux se réunissent et tentent de résoudre les différends dans le cadre d’un dialogue inclusif et constructif ».