En Gambie, plus de 960 000 électeurs sont attendus, ce samedi, dans les bureaux de vote, après une campagne présidentielle respectueuse. La Gambie est-elle devenue, avec Adama Barrow, une vraie démocratie ?
Il s’agit de la toute première élection présidentielle de l’ère post-Jammeh, en Gambie. Dans le petit pays ouest-africain enclavé, plus de 70 % des citoyens en âge de voter se sont inscrits sur les listes électorales. Après un grand débat sur le système de vote, la Commission électorale indépendante (IEC) a finalement décidé de garder le système de billes plutôt que de bulletins. Une pratique qui a toujours captivé les observateurs internationaux.
La campagne présidentielle, qui a opposé six candidats, s’est déroulée dans le calme et le respect. Et, avec l’annonce des résultats qui aura lieu en fin de journée grâce à un décompte décentralisé efficace et une annonce des résultats progressive selon les circonscriptions, le risque de contestation sera très minime.
Côté candidats, malgré les efforts du président du Congrès Démocratique Gambien (GDC), Mamma Kandeh, les deux principaux prétendants au poste suprême restent le président sortant Adama Barrow et son ancien allié et ex-vice-président, Ousainou Darboe.
Après 22 ans du règne sanguinaire de Yahya Jammeh, c’est un jour important pour les Gambiens, qui n’ont pour la plupart connu que des élections figuratives, jusqu’à la victoire d’Adama Barrow en 2016.
Un mandat réussi pour Adama Barrow
Pendant les cinq dernières années, Barrow s’est concentré sur la gouvernance du pays. Malgré une investiture reportée, en raison de l’entêtement de l’ex-dictateur, et une tentative d’assassinat à l’encontre de Barrow, ce dernier a réussi à s’assurer un appui international et à prendre sa place, en 2017, en tant que premier président élu démocratiquement en Gambie.
En 2019, les ambitions présidentielles du vice-président Ousainou Darboe ont provoqué quelques remous sur le plan politique. L’avocat de 73 ans, chef du Parti démocratique unifié (UDP), a ainsi causé l’implosion de la coalition de partis qui avait fait tomber Yahya Jammeh en 2016.
Le président gambien a, depuis, fait son parcours en compagnie de ses propres partisans. En 2019, il a créé le Parti national du peuple (NPP). En observant les meetings de la campagne présidentielle qui s’est conclue ce jeudi 2 décembre, Adama Barrow a réussi à bâtir une machine politique efficace. Contrairement à ce qu’avancent ses opposants, le « président par hasard » est beaucoup plus populaire que prévu. Selon la BBC, la popularité du président sortant est surtout due à son bilan. Economie, diplomatie, éducation et infrastructures… Le jeune président – 56 ans — a réussi à s’imposer sur la scène politique.
Les déboires de Darboe
Cependant, ce sont surtout les arguments de l’opposition qui peinent à convaincre. Lors de la campagne présidentielle, l’UDP de Darboe a publié des photos truquées de meetings de campagne, dont la version originale a fuité ensuite. Mais c’est surtout la publication d’un sondage, lui aussi truqué, affirmant que Darboe est soutenu par une majorité de votants, qui a fait chuter la participation aux meetings de campagne suivants de l’UDP. Un contexte qui a profité au NPP d’Adama Barrow, qui a montré une forte capacité de mobilisation dans la plupart des évènements de la campagne présidentielle.
Malgré tout, Adama Barrow a continué de subir les critiques quant aux efforts de son gouvernement pour rendre justice aux victimes de Yahya Jammeh. Coup de théâtre : le 25 novembre dernier, la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC) a rendu son rapport final. Adama Barrow s’est engagé à ce que « justice soit rendue » à la lumière des évènements décrits dans le rapport de la TRRC. De quoi, aussi, démystifier les critiques qui avançaient que le président comptait gracier Yahya Jammeh, un argument de l’opposition né d’une mauvaise communication des alliés de Barrow.
#Gambia: Pres @BarrowPresident NPP Party staged a Youth Rally in the capital, Banjul. pic.twitter.com/kXDO67igKo
— Alhagie Jobe ® (@freejobe39) August 27, 2021
Un scrutin qui se déroulera dans le calme
Quoi qu’il en soit, la campagne électorale s’est passée dans le calme, le silence électoral a été respecté. La Gambie et les Gambiens montrent, ainsi, leur volonté de répudier totalement les deux décennies de tyrannie de Jammeh. Les six candidats ont appelé à ce que les électeurs participent massivement à l’élection.
Le scrutin se déroulera, donc, aujourd’hui, entre 8h et 17h, dans les 1554 bureaux de vote en Gambie et dans les circonscriptions à l’étranger. Et pas plus tard que 24 heures plus tard, l’IEC prononcera les résultats officiels, même si la commission publiera, également, les résultats à la fermeture de tous les bureaux de vote de chaque circonscription. Une majorité simple suffira, donc, à un candidat pour remporter la présidence du pays.
Les observateurs internationaux, dont une mission de la Cedeao, seront également présents. Tout présage un bon déroulement du scrutin. Et il serait opportun de dire, en cas de réussite de cette élection gambienne, que la Gambie soit devenue une vraie démocratie.
The Gambia, CepRass/NED poll:
Presidential election
Barrow (NPP, centre-right): 53% (+5)
Darboe (UDP, centre-left): 29% (+7)
Kandeh (GDC, centre): 8% (+1)
Salleh (PDOIS, left): 6% (-1)
…(+/- vs. 27 July-10 August ’21)
Fieldwork: 9-19 November ’21
Sample size: 1,254 pic.twitter.com/uA2VpGfLMD— Africa Elects (@AfricaElect) November 30, 2021