En une décennie, la Chine est devenue un acteur économique de poids en Afrique. Créancier préféré de nombreux pays africains, le pays asiatique s’est octroyé un monopole sur l’infrastructure digitale du continent.
Le « piège de la dette » est-il en train de se refermer sur l’Afrique? La diplomatie chinoise, depuis une décennie, a bien joué sa partition : les prêts chinois aux pays africains sont remboursés en monopoles sur les appels d’offres et les partenariats public-privé. Cependant, les pays endettés optent de plus en plus pour des projets d’infrastructure digitale.
Ces projets, qui ressemblent de prime abord à des projets nationaux pour lutter en faveur de l’industrialisation et la digitalisation des pays, pourraient vite se transformer en cheval de Troie du néocolonialisme digital chinois.
Des pays africains qui suffoquent
Au total, les banques nationales chinoises ont prêté 227 milliards de dollars aux gouvernements et entreprises publiques africains. L’Angola, la Zambie, l’Ethiopie, le Soudan et la République du Congo sont les pays les plus endettés.
Il était donc logique que le créancier chinois dicte ses conditions à ces pays. C’est le triste jeu de la diplomatie de la dette. On peut déjà remarquer, depuis plusieurs années, une dépendance croissante à la technologie chinoise. Les géants des technologies de l’information et de la communication (TIC) chinois comme Huawei, Dahua ou Hikvision font ainsi d’une pierre deux coups. Ces sociétés dominent plus de 70 % de l’infrastructure digitale en Afrique subsaharienne et contrôlent la quasi-totalité des câbles de données sous-marins reliant l’Afrique à l’Asie, soit 29 % de toutes les données internationales et plus de 40 % d’ici 2028.
Avec une population jeune et une classe moyenne en forte croissance, la demande de bande passante en Afrique est de plus en plus importante. Selon les données de SCN (Security and communication networks), la bande passante internationale africaine a augmenté de 45 % par an entre 2015 et 2019. Pour répondre à cette demande, la Chine se positionne comme un fournisseur de services numériques fiable pour les pays africains. Et cela se traduit en investissements agressifs dans la construction de systèmes de câbles sous-marins.
En contrepartie, les pays africains restructurent leur dette et obtiennent, à moindre coûts, des réseaux de surveillance, des outils de censure de haute technologie et des capacités avancées de surveillance des médias sociaux. En plus d’une connexion haut-débit clé en main.
Les bons comptes font les bons alliés
Un exemple frappant est le projet de Huawei, « Safe city ». L’opérateur chinois a installé des caméras qui diffusent directement des images aux sièges des polices du Kenya, du Botswana, d’Afrique du Sud, d’Ouganda et de Zambie. D’autres pays ont montré de l’intérêt pour ce projet. Néanmoins, ce flux de données est relié aux serveurs de Huawei en Chine, qui possèdent les droits à ses informations.
Le câble sous-marin « PEACE », propriété de Hengton Group, assure la connexion internet en haut-débit à huit pays africains. Ce câble fait l’objet d’une enquête pour concurrence déloyale en Europe, le prix de vente étant artificiellement bas, ce qui constituerait du dumping. Impressionnant, ce câble couvre 15 480 kilomètres et comprend des stations au Kenya, à Djibouti, aux Seychelles et en Afrique du Sud. Il suit un itinéraire partant du Pakistan jusqu’en France.
La diffusion de la 5G et des applications mobiles dans les processus industriels augmentera la demande de technologies et de couverture internet bon marché et de haute qualité en Afrique, mais à quel prix ? Les entreprises chinoises poussent vers un monopole du réseau numérique en Afrique de l’Est, et la tentation ne fait que de se propager, avec une concurrence européenne vorace, et l’attrait croissant de l’adoption de la tyrannie digitale chinoise par les dirigeants africains. Au final, la nouvelle route de la soie digitale ne profite qu’à une seule partie : la Chine.