Aux Affaires étrangères françaises depuis 2017, Jean-Yves Le Drian est le principal interlocuteur des autorités maliennes. Mais sa présence semble aujourd’hui être l’une des causes principales de la brouille entre Paris et Bamako.
16 mai 2012. L’ex-député, ancien maire de Lorient passé par le secrétariat d’État à la Mer Jean-Yves Le Drian prend ses fonctions en tant que ministre de la Défense. La France est alors présidée par François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Cinq ans plus tard, Le Drian deviendra ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Pourtant, à son arrivée dans le gouvernement Ayrault, le Breton ne connaît pas plus l’Afrique que cela. Il est d’ailleurs bien loin des dossiers subsahariens.
Mais très vite, Jean-Yves Le Drian apprend. Il faut dire que la France dispose de bases militaires de choix dans plusieurs pays africains, pour la plupart francophones. Le ministre va donc se rendre sur place, observer… et apprendre à connaître un continent dont il ne savait rien, ou presque.
Un des rouages de la nouvelle « Françafrique »
Mais très vite, il prend ses marques. Jusqu’à devenir, près de dix ans après son arrivée aux hautes fonctions de l’Etat, l’un des métronomes de la République française. Depuis, Jean-Yves Le Drian a fait preuve d’une certaine influence auprès du président français. Surtout, il a réussi à faire l’unanimité contre lui en Afrique subsaharienne, où on le considère volontiers comme un des rouages de la nouvelle Françafrique d’Emmanuel Macron.
Ce qui marque les Africains, et les Maliens en particulier, c’est l’arrogance du ministre français des Affaires étrangères. Le Drian n’hésite jamais à faire des sorties publiques très polémiques. Au moment d’annoncer le départ progressif des forces de Barkhane, Le Drian ose affirmer que la France ne quitte pas le Mali, mais que « c’est le Mali qui s’isole ».
Jamais avec une quelconque humilité, toujours avec une certaine dose d’ingérence, Le Drian avance les pions français partout dans le monde. Comme lorsque, concernant le Liban, il indiquait : « Si certains responsables ne prennent pas leurs responsabilités, nous n’hésiterons pas à prendre les nôtres ». Une attaque en règle contre la souveraineté du pays.
De quoi agacer en Afrique. Dans le journal sénégalais Seneplus, l’écrivain Jean-Claude Djéréké résume : « S’agissant de comment l’Afrique devrait réagir à l’arrogance française, nous ne voyons pas de meilleure attitude que celle des autorités centrafricaines et maliennes qui, malgré les cris d’orfraie et menaces à peine voilées de Jean-Yves Le Drian et Florence Parly, avancent progressivement sur le difficile chemin de la liberté et de la souveraineté ».
Arrogant comme un Français en Afrique
A Bamako, Malizine y voit un Le Drian « arrogant comme un Français en Afrique ». Il est reproché au ministre français d’imposer au Mali de ne pas discuter avec les terroristes pour trouver une solution. « Le ministre français a apporté une aide de 10 millions d’euros et se croit permis à dicter ses vues au gouvernement malien. Quelle arrogance ! », s’emporte le média.
« Arrogant comme un Français en Afrique » est d’ailleurs le titre de l’essai d’Antoine Glaser. Le spécialiste de l’Afrique déplore, de la part de Le Drian, une vision biaisée du continent. « Le cas de la Centrafrique illustre parfaitement cette attitude de l’armée française qui croit encore connaître ‘son’ Afrique sur le bout des doigts », indique l’auteur, qui raconte l’échec de Le Drian dans le dossier centrafricain. Le ministre français n’a, en effet, jamais réussi à convaincre la communauté internationale d’agir de façon concertée en RCA.
Christopher Fomunyoh, directeur Afrique du NDI, think tank américain, estime que si Le Drian reste en poste, Paris et Bamako ne pourront jamais se réconcilier.
Au-delà de l’arrogance de la France et de Le Drian, de nombreux observateurs voient, du côté du ministère des Affaires étrangères, beaucoup d’amateurisme et d’entrisme post-colonial. « Entre amateurisme et arrogance coloniale, le président Macron, la ministre des armées Florence Parly et le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian se sont adressés au Premier ministre malien Choguel Maïga comme à un ‘sous-préfet’ de la République française », résume Mondafrique.