Obligés de centraliser 50 % de leurs réserves au Trésor public français, les pays africains de la zone UEMOA vont obtenir le retour de 5 milliards d’euros de la part de Paris. La première étape du processus de réforme de la monnaie commune ouest-africaine.
Est-ce la fin d’un pan de la Françafrique ? Le 20 mai 2020, la France mettait officiellement fin au franc CFA, cinq mois après l’accord du 21 décembre 2019 conclu entre le président ivoirien Alassane Ouattara et Emmanuel Macron. Objectif : la réforme de la monnaie ouest-africaine, qui devrait bientôt s’appeler l’Eco. Cet accord prévoit notamment la fin du dépôt auprès du Trésor français de la moitié des réserves de change de la Banque centrale de la zone. Jusqu’à maintenant, pour pouvoir utiliser le franc CFA, chaque pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) doit déposer la moitié de ses réserves de change sur le compte du Trésor français. A terme, cette pratique doit disparaître.
Les sénateurs français estiment que « l’introduction de cette contrepartie dans les accords des années 1970 se justifiait ». Il s’agissait alors, selon les élus, d’une garantie : « C’était alors le moyen le plus opérationnel et le plus efficace pour que la France dispose d’une visibilité sur le niveau de réserves de chacune des banques centrales et qu’elle s’informe du risque financier représenté par la garantie ». Le directeur national de la BCEAO pour le Sénégal, interrogé par les sénateurs français, indiquait qu’il est « normal que la personne qui donne la garantie cherche à couvrir sa garantie ».
Un transfert de 5 milliards d’euros sur les comptes de la BCEAO
Plus d’un an après l’accord avec le président ivoirien, la France a entamé le processus de transfert de 5 milliards d’euros, qui seront versé sur les comptes de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Petit à petit, ce sera à la BCEAO de choisir où elle investit ses réserves. Ce qui doit lui laisser la possibilité d’investir dans des instruments financiers de son choix. Un premier pas symbolique dans les relations financières entre l’Hexagone et le continent africain. Même si Paris continuera de jouer son rôle de garant pour cette monnaie et maintiendra une parité fixe avec l’euro. Jusqu’à la création de l’Eco en tout cas.
L’accord franco-ivoirien prévoit l’acte de fermeture des comptes de réserves à la Banque de France. Mais le calendrier a été modifié et, notamment à cause des désaccords entre les différents pays de l’UEOMA, mais aussi de la crise sanitaire, le retard enregistré est important. Parmi les chefs d’Etat récalcitrants au lancement de l’Eco, on retrouve notamment le Nigérian Muhammadu Buhari, le Ghanéen Nana Akufo Addo ou encore le Guinéen Alpha Condé.
Le ministre français de l’Economie et des Finances s’est rendu à Abidjan pour tenter de rassurer le pouvoir ivoirien sur la volonté de la France de mettre en œuvre toutes les dispositions prévues dans l’accord de 2019. Parmi lesquelles, donc, la fin des réserves de la Banque de France. Car l’Eco — ou son équivalent portant un autre nom — sera fixé à un panier de devises internationales, de l’euro au dollar, en passant par des devises asiatiques. Le transfert des 5 milliards d’euros du Trésor public français vers la BCEAO est la première étape d’un processus qui continue de patiner.