Beaucoup de questions entourent l’hypothèse du retour de Gbagbo en Côte d’Ivoire. Six alliés de Gbagbo rentrent aujourd’hui à Abidjan. Cependant, Gbagbo devra encore organiser son propre tantième politique, dans un climat très tendu, voire risqué.
L’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, prépare son retour au pays depuis son acquittement par la CPI fin mars. Dix ans séparent la libération de Gbagbo de son arrestation à Abidjan, mandatée par la France de Nicolas Sarkozy. Mais sa longue détention l’a rendu encore plus populaire, beaucoup d’Ivoiriens voient en lui une alternative au président Alassane Ouattara.
Toutefois, à plus de 7000 kilomètres de La Haye, l’actuel président ivoirien a profité de la longue absence de Gbagbo pour mettre en place sa machine politique. Après un laissez-passer octroyé à Gbagbo et Blé Goudé, Ouattara a nommé son frère cadet, déjà ministre des Affaires présidentielles, ministre de la Défense. Le président ivoirien a aussi catapulté son ministre d’Etat, Patrick Achi, vers la Primature d’Abidjan.
Depuis le décès de feu Hamed Bakayoko, un nouveau gouvernement qui se situe à droite de la droite s’est formé. Le gouvernement dominé par le Rassemblement des républicains (RDR) de Ouattara annonce une nouvelle réalité en Côte d’Ivoire. L’échiquier politique et l’air de résignation qui le domine constituent un contexte politique hostile pour Gbagbo, ou toute opposition de Ouattara.
Ouattara guette à la porte
De prime abord, les violences postélectorales de 2011 planent encore sur Gbagbo autant que sur Ouattara. Plus de 3200 morts décomptées n’ont toujours pas de coupable clair. Le président ivoirien Ouattara, qui a obtenu un troisième mandat inconstitutionnel à la tête du pays, n’est vraisemblablement pas la personne qui paierait pour les exactions des cinq mois de tourmente de 2011 en Côte d’Ivoire.
Les parties prenantes dans le duel Gbagbo-Ouattara sont d’ailleurs les mêmes. Déjà en 2010, la France soutenait Ouattara, alors que le Conseil constitutionnel avait déclaré Gbagbo vainqueur de l’élection présidentielle. Si la CPI a enfin relâché Gbagbo, elle ne lui permettait pas de retourner en Côte d’Ivoire en 2020 pour contester la prise de pouvoir illégale de Ouattara, en attendant l’appel. Le Front populaire ivoirien (FPI) de Gbagbo, s’est déchiré en l’absence de son leader. De surcroît, la justice ivoirienne avait condamné Gbagbo à 20 ans de prison en 2019, pour une accusation de détournement des fonds de la BCEAO datant de 2011.
Donc, quand bien même Laurent Gbagbo est un homme libre, et autorisé à retourner en Côte d’Ivoire par son némésis, les vents ne lui sont pas favorables. Entre la décision de justice nationale et son parti en lambeaux, il n’a pas de pied-à-terre au pays. A moins, évidemment, qu’il y travaille.
Une préparation suffisante ?
En marge du retour attendu de Gbagbo en Côte d’Ivoire, les rémanents du FPI s’activent. Dans un communiqué publié le 29 avril, le parti a annoncé le retour imminent de six personnalités pro-Gbagbo de l’exil. La liste comprend Justin Katinan Koné, Tahi Etienne, Jeanette Koudou, Innocent Abouo, Véhi Tokpa et Adia Pikass. En essence, le retour de ces alliés de Gbagbo en Côte d’Ivoire, sans qu’ils soient troublés, représenterait un rameau d’olivier de Ouattara pour le FPI. Toutefois, une branche d’olivier symbolise autant la paix que la victoire, quod erat demonstrandum.
Néanmoins, aux propres mots de Ouattara, des dispositions supplémentaires sont en cours d’élaboration pour enjôler Gbagbo. Notamment, des « avantages et indemnités » seraient prévus pour l’ancien président et son ancien ministre Charles Blé Goudé. Et même si le gouvernement ivoirien ne s’est pas prononcé sur l’essor de la condamnation ivoirienne incombant à Gbagbo, sa popularité n’a fait que grandir depuis son acquittement.
Si l’ancien président plébiscité comme victime d’une conspiration de Sarkozy et de Ouattara réussit à réunifier son parti, il aurait une réelle garantie contre toute intention malveillante à son encontre. Il faudrait pourtant rester lucide du côté de la gauche ivoirienne. Depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny, Ouattara s’est accroché au pouvoir d’une manière ou d’une autre.
Bien que l’on pense que l’ancien président Henri Konan Bédié (HKB) est le levier qui fait vaciller le pays depuis toujours. Que ce soit du côté de Ouattara ou de celui de Gbagbo, les enjeux actuels en Côte d’Ivoire sont oppressants. Le troisième mandat de Ouattara est, jusqu’à preuve du contraire, catastrophique. Gbagbo est loin du Plateau. Et HKB est occupé à maintenir son propre parti, le PDCI-RDA, en ordre de marche.
Enfin, les rivaux de Ouattara adoptent progressivement une fâcheuse tendance de mourir. A quoi ressemblerait donc un retour de Gbagbo en Côte d’Ivoire au milieu de cette panoplie de facteurs ?