Accusée tour à tour d’exploitation sexuelle en Afrique, de harcèlement, de fraude et de corruption, l’ONG Oxfam a suspendu deux membres de son personnel en RDC la semaine dernière. Une mesure insuffisante, alors que l’ONG perd ses donateurs les plus importants.
Pas moins que 87 plaintes ont été adressées au conseil de direction de l’ONG Oxfam depuis février 2019. La dernière, et la plus détaillée et documentée, a été celle de ses employés en République démocratique du Congo (RDC). Face aux nombreux témoignages et aux preuves irréfutables, la Grande-Bretagne a décidé d’arrêter de verser sa contribution financière à Oxfam.
En réalité, le scandale concernant le comportement des employés de l’ONG a commencé en 2018, au sein de sa filiale d’Haïti. S’en sont suivies des découvertes choquantes sur des dérives en interne, ainsi que dans les pays dans lesquels Oxfam envoie de l’aide humanitaire.
Les plaintes de février 2021, déposées par le bureau de RDC, décrivaient l’exploitation sexuelle des percepteurs d’aides humanitaires, l’intimidation et le harcèlement sexuel du personnel sous-traitant, entre autres accusations de détournement de fonds, de népotisme et même de menaces de mort !
Ce n’est qu’à la suite d’une lettre adressée au journal The New Humanitarian que les détails et les témoignages de cinq membres du personnel d’Oxfam ont été révélés au grand jour.
Des découvertes inquiétantes, qui ont poussé le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth (FCO) britannique à suspendre le financement octroyé à Oxfam, en attendant la fin de l’enquête. Une enquête qui, contrairement à celles qui ont précédé, sera menée par les forces de l’ordre britanniques, pour les accusations de corruption, et congolaises pour les crimes d’exploitation sexuelle et les menaces et harcèlements envers le personnel congolais.
Corruption, viols et petits secrets
« Toutes les organisations qui sollicitent une aide britannique doivent respecter les normes élevées de protection requises pour assurer la sécurité des personnes avec lesquelles elles travaillent », a déclaré le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères britannique Dominic Raab. « Compte tenu des rapports les plus récents, qui remettent en question la capacité d’Oxfam à faire respecter ces normes par ses employés, nous n’envisagerons aucun nouveau financement pour Oxfam tant que les problèmes n’auront pas été résolus. », a-t-il assuré.
La journaliste Paisley Dodds, du New Humanitarian, qui a suivi le dossier depuis les soupçons sur l’équipe de l’ONG au Congo, a affirmé pendant des mois que les victimes ne parlaient pas par peur de représailles. Une employée avait indiqué en octobre, sous couvert d’anonymat, qu’elle avait été menacée d’être empoisonnée si elle venait à révéler les « secrets d’entreprise » que constituent « le détournement de 700 millions de dollars et le viol de deux jeunes femmes au Nord-Kivu par des employés blancs d’Oxfam ».
Mardi 6 avril, la même journaliste a révélé les témoignages de cinq employées congolaises qui travaillaient pour le bureau d’Oxfam en RDC pendant la pandémie d’Ebola entre 2018 et 2020. Ces dernières ont assuré avoir subi des « abus sexuels » avec la complicité et la participation du personnel d’Oxfam et de ses institutions affiliées : le ministère congolais de la Santé, l’UNICEF, l’OMS, ALIMA et même des employés de Médecins Sans Frontières.
Face à ces révélations, le palais de Whitehall, qui avait exprimé « son inquiétude » par le passé, sans pour autant procéder à un audit, mener une investigation ou même se désolidariser de l’ONG, n’a plus d’autre choix que d’entamer une procédure judiciaire. Ne serait-ce que pour élucider les malversations financières. Il incombe aussi à la même institution britannique de faire pression sur le gouvernement congolais, afin qu’il protège l’intégrité physique de ses propres citoyens.