La société israélienne Elta Systems a transformé trois appareils américains en avions espions pour le Maroc. La firme vise une multiplication des contrats en Afrique.
Un scandale d’espionnage peut-il en cacher un autre ? Alors que le « Projet Pegasus », une enquête sur les agissements du groupe NSO notamment en Afrique, vient de faire la une des journaux du monde entier, le Maroc s’apprête à doter son armée de l’air de plusieurs appareils Gulfstream G550. Ceux-ci sont fabriqués aux Etats-Unis. Mais leur particularité, c’est qu’ils ont été reconvertis en avions espions par la société israélienne Elta Systems, propriété d’IAI, un groupe lui aussi israélien. A la fin de l’année dernière, la presse marocaine indiquait que trois appareils devaient être livrés au royaume.
Après NSO, Elta Systems sort donc ses crocs en Afrique : la firme israélienne a débuté, il y a plusieurs années, un lobbying en Afrique. IAI, la maison-mère d’Elta Systems, avait décroché avec deux autres firmes israéliennes — Elbit et Mer — un « contrat de protection périmétrique de la Minusma, au Mali ». Les groupes de l’Etat hébreu ont alors décidé de tenter de rafler une quarantaine de contrats auprès des différentes missions de maintien de la paix de l’ONU dans le monde.
La firme Elta Systems avance masquée
L’entreprise Elta Systems avance en tout cas masquée. Officiellement, la firme israélienne propose des solutions de surveillance. Elle a par exemple obtenu, au Congo-Brazzaville en 2007, un contrat pour la surveillance radar des eaux territoriales. Le ministère congolais des Transports avait fait appel à Elta Systems, qui utilise des drones, des aérostats, des radars et des senseurs optiques, et propose des patrouilles maritimes. Il s’agissait alors du premier contrat remporté par la firme israélienne dans le golfe de Guinée. Elta Systems avait bien tenté de décrocher, auparavant, un accord avec le Nigéria pour surveiller le delta et les eaux territoriales nigérianes. Mais c’est une autre entreprise israélienne, Aeronautics Defense Systems (ADS), qui avait raflé le contrat.
Le contrat avec le Maroc, lui, daterait du début de l’année 2018. Le royaume était alors en négociation avec le fabricant américain d’armes Raytheon. Un accord dont les contours restaient assez flous : Rabat voulait acquérir quatre drones militaires. L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis avaient alors décidé de financer ces acquisitions. « La compagnie israélienne Elta Systems fait partie du contrat de manière cachée », affirmait la presse marocaine à l’époque.
Pour le moment, Elta Systems mène sa charge discrètement. L’entreprise israélienne est l’un des sous-traitants de l’Américain Raytheon, mais également du Français Delta Drone. La firme travaille, en outre, avec des gouvernements européens, asiatiques et américains. Selon les autorités canadiennes, qui qualifient Elta Systems comme étant leur fournisseur de matériel « électronique de guerre », la firme israélienne « équipe plus de 250 avions militaires dans le monde ».