Opposante du président béninois, Reckya Madougou a été placée en garde-à-vue. A un mois de la présidentielle, Patrice Talon continue son grand ménage.
Etait-ce la promesse d’une opposition, à distance, entre Faure Gnassingbé et Patrice Talon ? Reckya Madougou, conseillère spéciale du président togolais, avait en tout cas officiellement démissionné de ses fonctions pour briguer la place de présidente du Bénin. Une aventure qui aura été de courte durée : sa candidature écartée par la Cour constitutionnelle, Reckya Madougou vient d’être arrêtée et, selon des sources proches de l’ancienne ministre de Boni Yayi, transférée à la Brigade économique et financière de Cotonou.
Gnassingbé et Talon : des rapports cordiaux
Les relations ont toujours été en apparence cordiales entre les présidents togolais et béninois. Mais Faure Gnassingbé et Patrice Talon ont parfois surfé sur l’ambiguïté. En 2017, le chef de l’Etat béninois avait joué un rôle discret de médiateur au Togo, entre pouvoir et opposition, allant jusqu’à recevoir à Cotonou des opposants togolais pendant que Reckya Madougou était chargée d’étouffer la contestation. Un an plus tôt, c’est Faure Gnassingbé qui avait tenté, avec Alassane Ouattara, de réconcilier Patrice Talon et Boni Yayi, le mentor de Reckya Madougou. Mais le président actuel du Bénin et son prédécesseur sont restés bel et bien brouillés.
Entre Talon et Gnassingbé, les différentes tentatives de médiation auraient pu leur faire nouer des liens privilégiés, même si la méfiance entre les deux hommes a toujours été de mise. C’était sans compter sur les velléités de Reckya Madougou à l’occasion de la présidentielle de 2021. Si la conseillère du président togolais s’est lancée corps et âme dans la campagne au terme d’un parcours semé d’embuches, c’est bien certainement avec l’assentiment de Faure Gnassingbé. En coulisse, l’opposition togolaise dénonce une tentative d’ingérence franco-togolaise dans la campagne présidentielle béninoise, Paris et Lomé souhaitant mettre des bâtons dans les roues de Patrice Talon.
Une série d’arrestations d’opposants
Un Patrice Talon qui a apporté une réponse disproportionnée à cette trahison. Reckya Madougou est en effet désormais accusée d’« association de malfaiteurs et terrorisme ». Arrêtée après un meeting, l’ex-conseillère de Faure Gnassingbé doit être entendue par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). D’autres cadres du parti Les Démocrates sont également accusés de terrorisme. Le procureur spécial de la Criet estime que Reckya Madougou avait « formé le dessein de perturber le prochain scrutin en perpétrant des actes de terreur de grande ampleur ».
Si Reckya Madougou n’a pas encore été inculpée pour les faits qui lui sont reprochés, elle risque de passer quelques jours en garde-à-vue. A un peu plus d’un mois de la présidentielle, Patrice Talon continue son grand ménage : avant Reckya Madougou, ce sont Bio Dramane Tidjani et Mamadou Tidjani qui avaient été placés derrière les barreaux. Un autre opposant, Sébastien Ajavon, a lui été condamné par contumace à cinq ans de prison. Le gouvernement béninois a beau crier à qui veut bien l’entendre qu’« il n’y a aucune chasse aux opposants », force est de constater que le Bénin tombe peu à peu dans un autoritarisme qui laisse présager le pire.