Les limogeages successifs du ministre mozambicain de l’Intérieur, Amade Miquidade, et du ministre de la Défense, Jaime Neto, font débat. Selon nos sources, le président Filipe Nyusi souhaite donner plusieurs portefeuilles ministériels à des militaires.
Alors que la guerre contre le terrorisme dans le nord du Mozambique semble toucher à sa fin, notamment grâce à l’intervention militaire du Rwanda et des pays de la Communauté d’Afrique australe (SADC), le président Filipe Nyusi a pris les choses en mains en limogeant des ministres. Le ministre de l’Intérieur, Amade Miquidade, limogé mardi, et celui de la Défense, un très proche allié du président, Jaime Neto, limogé mercredi dernier, ont été les premières victimes du remaniement annoncé.
Du côté de la présidence, aucune explication n’a été donnée. D’autant que la fin annoncée de la crise dans le nord n’est pas une raison suffisance. En effet, avec la victoire militaire contre les terroristes Shebabs et d’Ansar al-Sunna, mais également l’affaiblissement des insurgés des Forces démocratiques alliées (ADF), le Mozambique retrouve petit à petit la paix.
Incompréhension au sein du parti au pouvoir
Un haut responsable militaire confie au Journal de l’Afrique que deux militaires étaient pressentis pour prendre la relève des ministres limogés. Lázaro Menete, ancien chef de l’état-major, et Bernardino Rafael, commandant de la police mozambicaine et général de l’armée, avaient été choisis par le président pour l’Intérieur et la Défense. Toutefois, le chef de l’Etat a changé d’avis. « Sous la pression occidentale », nous confie la même source.
Le poste de ministre de l’Intérieur a donc finalement été donné à la directrice du service d’immigration national (SENAMI), Arsenia Massingue, colonel de l’armée. Et, ce jeudi, le général Cristovao Chume, homme clé du régime Nyusi, formé aux Etats-Unis, est devenu le nouveau ministre de la Défense.
Dans le camp du Front de libération du Mozambique (FRELIMO), le parti politique de Nyusi, des cadres dénoncent un « suivisme de l’Occident » de la part du président mozambicain. D’autant que les ministres limogés étaient des alliés de longue date de Nyusi et que Massingue et Chume ont peu de poids dans la sphère politique mozambicaine. Leur nomination à des postes importants, ainsi que le changement d’avis inexplicable du chef de l’Etat, soulèvent certaines questions.
Mozambican President Filipe Nyusi appoints Arsenia Massingue as Interior Minister, the first woman to hold the post in Mozambican history https://t.co/5sXcSoxAMH
— Dr Andrew E. Poku-Yaw Tchie (@DrATchie) November 12, 2021
De quoi Filipe Nyusi a-t-il peur ?
Si elles avaient eu lieu trois mois plus tôt, en pleine crise sécuritaire, ces nominations auraient pu avoir du sens en raison de l’insécurité rampante et la menace terroriste au Mozambique. Mais aujourd’hui, les groupes armés dans le nord mozambicain sont aux abois, après une offensive de la coalition militaire africaine composée des forces armées du Mozambique, d’un contingent rwandais et des troupes de la SADC.
Au niveau politique, le président mozambicain est largement critiqué, notamment en raison d’une affaire de financement de sa campagne électorale de 2019, mais aussi en raison de l’affaire de « la dette cachée » à la suite d’un audit du Fonds monétaire international (FMI) en 2017. Malgré tout, la présidence n’est pas menacée outre mesure, l’opposition politique au Mozambique étant aux abonnés absents, surtout depuis le décès du meilleur ennemi de Nyusi, Alfonso Dhlakama, candidat du RENAMO en 2018, ainsi que celui du chef de l’aile armée de son parti, Mariano Nhongo, le 11 octobre dernier.
Filipe Nyusi se place, ainsi, comme l’unique homme politique présidentiable du pays. Cependant, celui-ci est fragilisé par les scandales financiers. Malgré tout, il devrait briguer un troisième et dernier mandat en janvier 2024. Ce qui laisse à l’homme de 62 ans, tout au plus, sept ans au pouvoir. Par ailleurs, le président mozambicain est accusé d’instrumentaliser la menace terroriste pour réprimer ses opposants politiques.
En militarisant le gouvernement, Filipe Nyusi cherche-t-il à protéger sa domination sur la scène politique et à se débarrasser de toute opposition ? Et, surtout, vise-t-il la présidence à vie, malgré une Constitution qui lui interdirait de briguer un quatrième mandat ?
#Mozambique‘s President Filipe #Nyusi and former leader Armando #Guebuza are still at loggerheads over the ‘#tunabonds‘ scandal. The next move could throw #Maputo’s political elite into greater turmoil. #Frelimo https://t.co/bFkM0iD7bJ
— Africa Confidential (@Africa_Conf) November 5, 2021