A l’occasion de la visite du président malien de la Transition Bah N’Daw chez son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune dimanche dernier, les échanges ont été particulièrement cordiaux. Va-t-on vers une concrétisation de l’accord d’Alger ?
Le président malien par intérim Bah N’Daw a rendu une visite officielle à Alger ce dimanche. L’aboutissement des efforts diplomatiques des deux pays afin d’établir une paix durable au nord du Mali. L’épicentre des discussions entre les deux dirigeants a été l’accord de paix et l’amélioration des relations algéro-maliennes sur les plans économique et sécuritaire.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a réitéré la volonté d’Alger d’aider le Mali dans la préparation des élections de 2022. De son côté, N’daw a déclaré : « Au terme de cette visite, nous nous sentons soutenus, aidés, appuyés dans notre démarche ».
L’Algérie, un allié naturel
Après des échanges excessifs d’amabilités et quelques plaisanteries lors de cette rencontre, les deux présidents sont rentrés dans le vif du sujet. Et l’alliance Mali-Algérie semble être une évidence. Bah N’Daw est avant tout un militaire : établir des relations avec une Algérie voisine contrôlée de facto par l’armée est logique d’un point de vue géopolitique.
D’un point de vue diplomatique, il s’agit d’une opportunité rêvée pour le Conseil de transition malien de réparer les dégâts d’Ibrahim Boubacar Keïta et de son Premier ministre, l’exubérant Moussa Mara, après la multitude d’actions et de déclarations agressives qu’ils ont tenues envers l’Algérie.
Deux autres acteurs sont déjà présents sur le théâtre des opérations au Mali : l’ONU et la France, qui ont leurs armées respectives déployées au Mali, avec des dizaines de milliers d’hommes, depuis des années. Les opérations Serval et Barkhane sont des vestiges du régime IBK et, pour le peuple malien, de la néocolonisation française.
Le Mali et l’Algérie partagent un passif commun lorsqu’il s’agit de leurs relations respectives avec la France. Présentement, l’Algérie est en froid avec la France à cause du soutien de cette dernière au régime Bouteflika, du monopole des investissements étrangers, des archives nucléaires, de la couverture du Hirak par France 24, etc. L’intervention algérienne serait ainsi une alternative parfaite si les relations franco-maliennes s’envenimaient. Une conséquence inévitable si les nouvelles initiatives de lutte antiterroriste, issues du sommet du G5 Sahel, et catalysées voire chaperonnées par la France, ne se concrétisaient pas.
Remplir le vide français, sans engagements
D’un point de vue sécuritaire, qui reste la priorité du Mali, l’Algérie pourrait être un allié de taille dans la lutte antiterroriste. Alger pourrait passer outre les négociations entre Bamako et l’organisation terroriste EIGS (affiliée à Daech), qu’elle conteste depuis deux ans.
Une cause commune unit les deux pays : l’éradication de la menace d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Cette dernière est la principale source de problèmes sécuritaires majeurs sur les frontières qui séparent les deux pays, ainsi qu’au sud du Mali et dans les montagnes algériennes. Cependant, imaginer une éventuelle mission antiterroriste algérienne au Mali serait aller bien vite en besogne.
Le président N’Daw compte avant tout sécuriser progressivement la partie nord du pays, mettre en place un gouvernement de transition ainsi qu’un Conseil national de transition et intégrer les mouvements signataires de l’accord d’Alger de 2015 au gouvernement. Un accord qui a connu son lot de négociations.
Les mouvements en question sont les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et les Touaregs du Kidal et de Gao. Et sécuriser une alliance nationale au Mali permettrait d’unifier le territoire et de reprendre la main sur la lutte antiterroriste dans le pays.
Une relation privilégiée en perspective
Parmi tous les médiateurs internationaux, l’Algérie est la seule à avoir proposé l’intégration de la CMA au gouvernement afin de concrétiser l’accord d’Alger en 2015.
La visite de N’Daw a aussi permis aux deux chefs d’Etat de discuter de nouveaux projets de coopération. La réactivation du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) des armées malienne, algérienne, mauritanienne et nigérienne a été discutée préalablement lors d’une rencontre de la commission mixte militaire algéro-malienne le 9 février dernier. Une coopération entre les académies militaires des deux pays a été ratifiée deux jours plus tard.
Enfin, avec la reprise des relations entre Bamako, la CMA et Alger, de plus en plus harmonieuses, des projets préalablement planifiés pourraient voir le jour, comme la route Tamanrasset-Gao. De quoi froisser le gouvernement français, à qui le Mali a toujours refusé l’accès à l’est malien, et embarrasser Emmanuel Macron.