Le chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), Ján Kubiš, a rencontré plusieurs responsables libyens depuis mercredi. Au menu, le rôle de l’Union européenne (UE) dans le futur de la Libye, l’émigration, et la présence des mercenaires russes.
De nombreux responsables de l’UE avaient fait la queue à Tripoli, pour offrir leur « soutien » au gouvernement d’unité nationale (GNU) libyen, depuis le 24 mars. Il semblerait toutefois que le regard d’Abdel Hamid Dbeibah soit porté vers la Turquie et la Russie. C’est donc au tour de Ján Kubiš d’intervenir en faveur de l’Europe, afin de recréer un statu quo qui les rassurerait. L’équilibre escompté, vraisemblablement, ne requerrait aucune offrande de la part de l’ONU.
Les nouveaux amis de Tripoli
D’abord, depuis le 24 mars, pas moins que quatre ministres des Affaires Etrangères et deux premiers ministres européens ont visité la Libye. Même le président du Conseil européen s’est rendu à Tripoli le 4 avril. Face à la contradiction entre les priorités des pays européens, le gouvernement Dbeibah avait entamé son propre réseautage diplomatique ailleurs. En effet, ni la Turquie ni la Russie ne demandent de contrepartie de leur partenariat avec le GNU. Alors que les pays européens quémandent une part du pétrole libyen et exigent le contrôle de l’émigration du côté libyen, entre autres.
La Russie et la Turquie, elles, ont probablement fait beaucoup plus pour la Libye en un mois que l’UE en dix ans. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a d’abord assuré la collaboration russe dans le maintien du cessez-le-feu entre Tripoli et Toubrouk. Ankara a aussi offert 150 000 doses de vaccin contre la Covid-19 à la Libye. Et, pour finir, la Turquie s’est engagée à soutenir la reconstruction des infrastructures libyennes, détruites par les bombardements occidentaux lors de la guerre civile. Ces décisions ont été prises conjointement lors de la visite d’Abdel Hamid Dbeibah à Ankara.
La Russie, elle, a complètement désamorcé les tensions entre l’Est et l’Ouest libyens. De surcroît, le Kremlin a promis une alliance militaire avec le GNU, ainsi qu’une intervention urgente dans la résolution du déficit énergétique en Libye.
De multiples discours, un point commun
L’UE n’a pas réellement parrainé le semblant d’unité dont fait preuve la Libye aujourd’hui. Et même si l’ONU a lancé ce processus, elle n’a rien bâti dessus. Les Etats-Unis, eux, se sont assurés une belle commission pour leur neutralité temporaire dans le dossier libyen – comprenez, le pétrole de la NOC libyenne. C’est ce manque de réciprocité qui a poussé Dbeibah à se projeter ailleurs. Le Premier ministre libyen cherche avant tout des alliés prêts à investir dans des projets de développement qui dureraient au-delà des élections de décembre.
Actuellement, la Libye a conclu des dizaines d’accords avec la Russie et la Turquie. Depuis mercredi, donc, Ján Kubiš a été dépêché en Libye en urgence. Il a tenu une série de réunions avec des responsables libyens, dont la ministre des Affaires Etrangères Najla Mangoush.
Néanmoins, le responsable onusien n’a rien offert d’avantageux à la Libye. Une énième réaffirmation de « la nécessité de faire rapatrier sans délai tous les mercenaires. » a eu lieu. Ján Kubiš a aussi félicité la Libye pour « l’inclusion des femmes dans la marche vers la démocratie et la prospérité. », a-t-il déclaré. Le chef de la MANUL a aussi proposé « l’aide de l’ONU dans le « rapatriement volontaire des migrants irréguliers et leur réinstallation. ».
Comme si cette platitude n’était pas encore assez ad hoc, Kubiš a conclu la journée de jeudi par une visite à al-Sikka, à Tripoli. Il y aurait rencontré Musa al-Koni, le vice-président du Conseil présidentiel. Il aurait insisté lors de la rencontre secrète sur le souhait de l’ONU que Tripoli intervienne auprès de Haftar, afin que ce dernier mette en place un désengagement partiel des paramilitaires russes de Wagner. Sachant que Kubiš avait personnellement sécurisé l’inclusion de Haftar dans le processus de paix, pourquoi impliquerait-il al-Koni dans cette affaire ?