Le 30 octobre 1974, Mohamed Ali et George Foreman ont pris part à l’un des plus grands combats de l’histoire de la boxe anglaise, « The Rumble in the Jungle », à Kinshasa au Zaïre. Les deux boxeurs se disputaient le titre champion du monde poids lourds.
« Ali, boma ye ! » Les chants en lingala, ce 30 octobre 1974, résonnent dans le Stade du 20 Mai de Kinshasa. Comprenez « Ali, tue-le ». Des cris qui galvanisent Mohamed Ali, opposé à George Foreman pour un combat historique, avec en jeu le titre de champion du monde poids lourds. La capitale de l’actuelle RDC a, cette année-là, été la ville hôte de ce combat de boxe anglaise qui restera, longtemps après, dans les annales.
Né dans le Kentucky, aux Etats-Unis, Mohamed Ali était tout autant imprégné de la culture et des mœurs américaines que n’importe quel homme de sa génération. Il avait néanmoins un lien profond avec l’Afrique. La popularité d’Ali sur le continent africain n’était d’ailleurs pas un détail : le boxeur était un Africain dans ses luttes personnelles et ses croyances.
N’ayant jamais eu honte de défendre ses origines, sa foi musulmane et d’embrasser ses racines avec ténacité, Ali allait offrir au continent sa meilleure partition. Son implication dans les campagnes du mouvement des droits civiques des années 1960 en a fait un modèle pour bon nombre d’Africains, qui pouvaient s’identifier à ses causes et à ses luttes.
Mohamed Ali s’identifiait comme Africain. Et à un moment où les héros de la décolonisation avaient oublié leurs promesses au moment d’arriver au pouvoir, les Africains ont décidé de mettre tous leurs espoirs dans le boxeur.
Ali prend sa revanche
Mohamed Ali était régulièrement le favori de ses combats, à cette époque-là. Mais ce 30 octobre 1974, c’est Foreman qui endosse cette responsabilité. Champion du monde des poids lourds, invaincu, et considéré par beaucoup comme imbattable, Foreman avait dominé des adversaires du calibre de Frazier ou de Norton. Autant dire qu’Ali faisait figure d’outsider.
Cependant, devant des milliers de spectateurs au stade Tata Raphaël et devant des téléspectateurs du monde entier — environ un milliard de personnes —, Ali a retourné la situation avec un K-.O. lors du huitième round, infligeant à Foreman sa première défaite en 41 combats professionnels. A la suite de cet événement, Ali refusa d’offrir une revanche à Foreman, malgré un plébiscite public important.
Ce combat zaïrois sonnait comme une autre revanche, celle de Mohamed Ali, qui avait été dépouillé de son titre en 1967 après avoir refusé d’intégrer les forces armées américaines. Foreman en avait profité pour grimper les échelons. Lorsqu’il reprend la box en 1970, Ali enchaîne les combats et perd contre Joe Frazier, à son tour battu par Foreman. En pleine préparation pour le combat de Kinshasa, Ali affronte Norton. Une déroute.
Pour le public, Mohamed Ali est donc dans la tourmente. Il a alors 32 ans et on pense que son heure de gloire est définitivement derrière lui. Défiant le meilleur boxeur du moment, Foreman, il est sans doute le seul à penser pouvoir réaliser l’exploit. Le combat, initialement prévu en septembre 1974, est reporté. Les deux sportifs s’entraînent pendant plusieurs mois au Zaïre pour s’habituer au climat.
Un enjeu sportif… et politique
Le jour J, alors que le gong retentit, Mohamed Ali surprend tout le monde en poussant George Foreman dans ses retranchements. Alors que l’on pensait qu’Ali allait défendre et ne prendre aucun risque face au champion percutant, il vise le visage de Foreman sans faiblir. Ce dernier, plus vif à la fin du premier round, ne semble pas inquiété. C’est alors qu’Ali décide de provoquer un peu plus Foreman.
Foreman ne pouvait pas s’en douter : plus jeune, plus endurant, il va prendre des coups sur les bras, sur le corps. Mais il continue de résister. Ali, pendant cinq rounds supplémentaires, continue d’asséner un maximum de coups à Foreman.
Lors des deux derniers rounds de ce combat mythique, Foreman se fait même narguer par Ali. Ses coups n’atteignaient plus le challenger. Et au huitième round, Ali décide de bombarder Foreman de crochets pour finir le combat par un crochet du gauche et un direct du droit, terrassant son adversaire. Ali retrouve alors sa ceinture de champion du monde des poids lourds.
Outre le combat, ce dernier revêtait également un enjeu politique. L’Occident avait de l’animosité envers le régime de Mobutu. L’authenticité dérangeait un Ouest qui voulait s’imposer au Congo jusqu’à y choisir les vêtements que devaient porter les Congolais.
Mohamed Ali a beaucoup joué sur la corde anti-colonialiste pour se mettre le public dans la poche : lorsque George Foreman s’était présenté avec son chien de compagnie au Zaïre, il a été assimilé à l’ex-colon belge. Avec 60 000 personnes dans la poche, présentes au stade ce jour-là, Ali ne pouvait que gagner. Grâce à la promotion du combat par Mobutu et la ségrégation raciale qui sévissait aux Etats-Unis, Kinshasa était devenue, le temps d’une soirée, la capitale des Noirs du monde entier, avec Mohamed Ali comme champion.