Au Maroc et en Tunisie, des violences ont éclaté lors de matches de Ligue des Champions. Un phénomène récurrent, sur tout le continent et particulièrement en Afrique du Nord.
C’est un « fait de match » dont on aurait pu se passer… À Radès, en Tunisie, le 29 avril dernier, des supporters de l’Espérance de Tunis, le club phare de la capitale, ont passé une première mi-temps plutôt calme, lors de la rencontre de Ligue des champions d’Afrique entre leur club et la Jeunesse sportive de Kabylie. Mais dès la mi-temps, des violences ont eu lieu. Et l’on a vu surgir un supporter armé… d’une tronçonneuse !
Something EXTREMELY abnormal happened last night in Rades.
Esperance fans were disciplined and well in order all throughout the 1st HT.
Some individuals started causing trouble at HT… one of them had a Chainsaw…
You’re not allowed to bring a lighter into a stadium…#Tunisia pic.twitter.com/IQpZbdQM0D— Souhail Khmira (@SKhmira) April 30, 2023
Des sanctions peu dissuasives
De quoi faire craindre le pire pour l’autre club de Tunis, le Club Africain, qui rencontrait deux jours plus tard l’Étoile Sportive du Sahel. Le comité directeur du Club Africain a décidé d’appeler ses supporters au calme. Il s’agissait d’éviter des violences dans les tribunes, qui pourraient amener à des sanctions.
Car pour l’Espérance, les événements du 28 avril pourraient bien être graves. La Confédération africaine de football (CAF) envisage en effet des sanctions sévères à l’encontre du club tunisois. L’institution africaine avait déjà infligé quatre matches à huis clos à l’encontre de l’Espérance, dont deux avec sursis, après des violences survenues lors d’une rencontre contre Al-Ahly en 2021.
Ces événements violents ne touchent pas que la Tunisie. Le 29 avril, une jeune supportrice du Raja Casablanca, qui était opposé à Al-Ahly, est décédée aux abords du stade, probablement à cause des canons à eau utilisés par les forces de l’ordre.
Une vague de violences qui n’est pas nouvelle, partout en Afrique, et plus particulièrement en Afrique du Nord. On se souvient, en février 2012, d’émeutes meurtrières à l’issue d’un match, en Égypte, entre Al-Masry et Al-Ahly. Onze supporters avaient été condamnés à mort en 2015, suite à un procès retentissant. Des événements comme ceux-là, on en dénombre de nombreux sur les six dernières décennies. Comme à Accra, où une bousculade avait tué plus de 120 personnes en 2001. Alors que, peu avant, au Kenya, le président de la République Daniel arap Moi avait été visé par des supporters en colère.
Jeunes désabusés
Mais quel est le problème ? Pourquoi football et violence sont-ils toujours tristement liés en Afrique ? En 2017, Amine Mougou, porte-parole de la Fédération tunisienne de football, estimait que les incidents dans les stades témoignaient d’« un phénomène social qui dépasse le sport » et qu’il s’agissait de « la tension dans le pays qui se répercute dans les stades ». Une étude, commandée par le gouvernement, indiquait alors à l’époque que les violences avaient augmenté sous le régime de Zine el-Abidine Ben Ali, permettant aux supporters de « protester » malgré les restrictions du régime. Les tribunes des stades tunisiens sont, depuis bien avant 2011, des lieux de revendications politiques pour les jeunes du pays.
L’an dernier, interrogé après des violences au stade Moulay Abdellah de Rabat, le sociologue Abderrahim Bourkia, professeur à l’Institut des sciences du sport de Settat, demandait « des sanctions exemplaires et un accompagnement » pour les jeunes supporters violents. « Il est temps d’investir dans nos jeunes et de mettre en œuvre une politique pour eux et des programmes qui les intègrent toutes et tous. Sinon, nous aurons que des bombes à retardement qui pourraient exploser n’importe quand et n’importe où », expliquait-il. Autrement dit, les mesures prises par les autorités des pays — au Maroc, plusieurs clubs sont régulièrement sanctionnés — doit s’accompagner d’une politique efficace d’accompagnement.