Parmi plus de 380 000 soldats cubains qui ont combattu pour les indépendances africaines, au moins 12 000 sont morts. Fidel Castro a été un acteur important des décolonisations africaines. Une Histoire que les Africains ont tendance à oublier…
Le 13 août 2016, pour son 90e et dernier anniversaire, le chef de la révolution cubaine, Fidel Castro, portait le survêtement de l’équipe de football nationale de l’Algérie. C’était alors la dernière apparition publique d’«el Comandante ». Un peu plus de trois mois plus tard, Castro décède. En Afrique, de nombreux pays ont décrété un deuil national en son honneur.
Incompréhensible pour l’Occident. Mais incompréhensible aussi pour une grande partie de la jeunesse africaine. Si l’on n’est pas Angolais, Algérien, ou Bissau-Guinéen, difficile de comprendre la relation entre le leader cubain et l’Afrique. Certains médias africains annonçaient la mort du « tyran cubain », une narrative que même les médias occidentaux n’osaient pas.
Mais, si l’on ne doit pas pour autant oublier les figures de la libération de l’Afrique du joug de la colonisation européenne, Fidel Castro a, lui aussi, une place indéboulonnable dans l’Histoire africaine du XXe siècle.
La politique nationale de Fidel Castro ne regarde pas outre-mesure les Africains. Il faut toutefois dénoter le système de santé à Cuba, salué d’ailleurs par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui considère les soins publics cubains comme « un exemple pour le monde entier ». L’ère Castro a laissé aussi le plus haut taux de vaccination contre les maladies virales du monde entier — l’immunisation à Cuba s’élève à plus de 96 % contre 27 maladies selon une recherche américaine. Puis, si on en croit l’Unicef, l’alphabétisation à Cuba s’élevait à 100 % à la mort de Fidel Castro.
Si tous ces indicateurs de gouvernance peuvent être mis en doute, la contribution cubaine à la libération de l’Afrique, elle, demeure un fait largement documenté.
Afrique-Cuba, une amitié née dans le sang des martyrs
En 1987, le Los Angeles Times affirmait que 10 000 soldats cubains avaient été tués en Angola depuis 1976. « Un chiffre proportionnellement plus grand que le nombre d’Américains morts au Vietnam », affirmait le journal américain.
Selon Fidel Castro lui-même, « 381 432 soldats cubains se sont battus main dans la main avec des soldats africains pour l’indépendance nationale ou contre une agression étrangère ». Une estimation d’un Fidel Castro qui était friand de précisions, que personne n’a jamais niées.
Car la lutte anticoloniale afro-cubaine fait partie de ce peu de romantisme révolutionnaire que les indépendances africaines ont pu, un jour, revendiquer. Aujourd’hui, l’amitié afro-cubaine, tout autant que l’indépendance africaine, sont également incertaines.
Si on peut rappeler la répression de l’opposition à Cuba pendant le long mandat de Castro, « l’une des plus grandes ironies est que les mêmes personnes qui exigent la reconnaissance de ses torts, étaient du mauvais côté de l’Histoire ou ont parrainé des dictatures dans de nombreux pays africains », écrit l’auteur Sean Jacobs.
Après avoir libéré Cuba du règne corrompu de Batista en 1959 et pris le pouvoir, Fidel Castro s’est rapidement retrouvé aux antipodes des Etats-Unis et des pays occidentaux en général. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, son rapprochement de l’Union soviétique s’était opéré par élimination. Pour Fidel Castro, la diplomatie relevait d’un facteur : la décolonisation et l’intérêt commun.
La campagne militaire africaine de Fidel Castro
Pour cette raison, ainsi que son activisme dans les réseaux antiracistes depuis l’adolescence, Fidel Castro s’était rapidement tourné vers l’Afrique. Il faut préciser qu’une majorité de Cubains étaient aussi descendants d’Afrique.
Le premier « acte africain » concret de Castro a été son soutien à l’indépendance algérienne pendant la guerre d’Algérie au début des années 1960. Trois ans plus tard, Cuba avait envoyé des soldats pour entraîner les guérilléros d’Amílcar Cabral au Cap-Vert en en Guinée-Bissau. C’était d’ailleurs ce dernier qui avait déclaré : « Quand les combattants cubains rentreront chez eux, ils n’emporteront que les restes de leurs compagnons morts ».
Le 24 avril 1965, le compagnon de Fidel Castro, Ernesto « Che » Guevara a débarqué dans l’est de l’actuelle République démocratique du Congo (RDC). Accompagné de soldats, de docteurs et d’infirmiers, le contingent cubain a mené une guerre sanglante contre les troupes américaines et belges déployées alors du Tanganyika jusqu’au Kasaï.
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Plus tard, entre 1966 et 1974, les forces cubaines ont combattu avec le PAIGC pour l’indépendance de la Guinée-Bissau. Puis, depuis 1976 et jusqu’à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, des dizaines de milliers de soldats cubains ont arpenté l’Afrique australe, infligeant des défaites humiliantes à l’armée sud-africaine et ses alliés rebelles angolais.
Nelson Mandela écrivait d’ailleurs, depuis sa prison de Robben Island : « C’est la première fois qu’un pays d’un autre continent vient, non pas pour prendre quelque chose, mais pour aider les Africains à obtenir leur liberté ».