Malgré une grande mobilisation de la société civile en Egypte, la destruction des maisons flottantes du Caire se poursuit. Avant la fin de la semaine, les derniers habitants de ces demeures emblématiques seront délogés, sans compensations.
Depuis la dernière semaine de juin, la police fluviale du Caire, la capitale de l’Egypte, traîne derrière ses bateaux des dizaines de maisons flottantes — des « Awamates ». Un évènement étrange qui attire les regards des passants. Il s’agit d’une tragédie historique : certains de ces appartements datent de la fin du XVIIIe siècle. Certains conservent le style architectural ottoman avec les balustrades sculptées et les jalousies ornées.
Les habitants, dont les derniers seront délogés cette semaine, sans relogement prévu ou une quelconque compensation, sont pour la plupart des écrivains, des artistes ou des professeurs. Certains, comme Ikhlas Ibrahim, 88 ans, ont vendu des biens immobiliers dans des quartiers huppés afin de vivre dans l’une de ces péniches iconiques. A partir de dimanche dernier, les dernières maisons se font désormais démolir, et les habitants sont escortés à l’extérieur, manu militari.
La raison de cette campagne de délogement improvisée : le plan de réaménagement urbain du président Abdel Fattah al-Sissi. Un plan qui avait d’ailleurs laissé des quartiers entiers du Caire complètement rasés. Certaines nouvelles routes construites ces derniers mois passent à 30 centimètres des fenêtres des quartiers du nord du Caire. Une autoroute, la « Route Sahel », se poursuit d’ailleurs hors de la capitale, donnant sur un étrange pont autoroutier que les spécialistes estiment fragile, et que le président al-Sissi qualifie d’« inachevé ».
Saisies et destruction… sans intérêt général
Quoi qu’il en soit, la destruction des maisons flottantes et la mise de certaines d’entre elles aux enchères, s’inscrivent dans la « restauration d’un décor civilisé » sur les rives du Nil. Plus précisément : créer un quartier touristique. En effet, les autorités égyptiennes ont proposé des licences de cafés ou de restaurants aux anciens habitants. Des licences qui leur serviraient pour démarrer une structure sur la parcelle de terrain attachée à la maison flottante. Tous les habitants ont cependant refusé.
L’auteure Ahdaf Soueif, qui vivait dans l’une de ces maisons, a déclaré : « Ma maison flottante est une propriété privée. Je paie une licence de navigation chaque année. Nous vivons ici, ce sont nos maisons ».
Pour rappel, avant de procéder à la saisie et à la destruction des maisons flottantes du Caire, le gouvernement avait imposé des taxes lourdes, atteignant des dizaines de milliers de dollars, afin de dissuader les habitants de garder ces maisons.
Le 4 juillet, le ministère de la Justice avait suspendu la destruction des maisons flottantes pendant une journée. Des responsables du gouvernement ont rencontré les derniers habitants, mais aucune solution n’a été trouvée.
L’écrivain Omar Robert Hamilton, qui habitait également le quartier, a dénoncé « une asymétrie totale de l’information ». « En réalité, aucun habitant n’a eu la moindre information lors de cette réunion », assure-t-il.
Yesterday…
Tomorrow we rebuild. pic.twitter.com/fFEY0cQQ2r
— Omar Robert Hamilton (@ORHamilton) July 6, 2022