Le choix des logos des partis en dit beaucoup sur l’orientation politique de ces formations. Quels sont, au Sénégal, les choix de symboles des différents partis politiques ?
Le logo politique « fonctionne à la fois comme emblème, signe qui dit l’identité d’une personne ou d’un groupe et symbole, signe qui exprime une idée, un concept, une notion », écrivait en 2008 le chercheur et historien français Michel Pastoureau.
Au Sénégal, comme ailleurs, la politique n’est pas seulement une affaire de programme. Histoire, engagements et vision politique… Chaque parti tente de rester fidèle à ses valeurs. Et quoi de mieux qu’un logo pour les représenter ? Au Sénégal, chaque formation politique a imaginé un logo qui en dit long. À travers ces emblèmes visuels se lisent un projet de société, une méthode, et un rapport au pouvoir.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le contraste entre les partis historiques – PS, PDS, APR – et les Pastef, parti aujourd’hui aux commandes, est aussi visuel que structurel. Revue des différents logos…
Le poing et la rose : le PS et l’État-pédagogue
Le Parti Socialiste a longtemps gouverné le pays avec le sceau du savoir et de la méthode. Son logo, composé d’une étoile rouge sur fond vert et d’un poing tenant une rose, incarne le socialisme humaniste. L’étoile symbolise l’universalisme et les idéaux panafricains ; la rose adoucit le poing de la lutte, soulignant une politique de réforme douce mais ferme.
Sous Senghor et Diouf, le PS fut un parti d’État, attaché à l’institution, à l’éducation, à l’unité nationale. Il a bâti l’administration, l’université, les routes de l’unité. Il croyait au pouvoir de l’État comme levier d’émancipation.
L’épi de mil du PDS : enracinement rural et libéralisme africain.
Avec l’arrivée du PDS d’Abdoulaye Wade, un autre symbole s’impose : l’épi de mil sur fond bleu. C’est un hommage à la terre nourricière, à l’économie paysanne, à la ruralité. Le bleu représente l’ouverture, la paix, mais aussi un libéralisme adapté aux réalités africaines.
Le PDS s’est voulu le parti du peuple contre l’élite, le véhicule d’un populisme intelligent, bâtisseur, et visionnaire. De l’ANOCI aux grands projets d’infrastructure, Wade a imposé une dynamique, parfois désordonnée, mais ambitieuse.
Le cheval de l’APR : noblesse, rigueur et développement planifié
Avec l’Alliance pour la République (APR) de Macky Sall, le logo devient un cheval blanc sur fond marron. Le cheval, noble et rigoureux, incarne un style technocratique, calme, mais efficace. Macky a gouverné avec la rigueur du planificateur, fondant son action sur le Plan Sénégal Émergent (PSE), la diplomatie économique et les grands chantiers.Mais au-delà de la symbolique moderne, le cheval a une charge spirituelle et culturelle puissante. Il fut le fidèle compagnon du Prophète Mouhammad (PSL), notamment lors de la bataille de Badr, première grande victoire décisive de l’islam. Il représente la noblesse du combat juste, l’endurance et la loyauté.
Dans les sociétés africaines, et particulièrement au Sénégal, le cheval est aussi un outil de travail : il sert à l’agriculture (charrue), au transport (charrettes), à la construction (tirage de matériaux). C’est un animal de production et de mobilité, au service du progrès des communautés rurales.
L’APR, en adoptant cet emblème, a voulu incarner une gouvernance utilitaire, disciplinée et enracinée, où la modernité ne s’oppose pas à la tradition, mais s’en inspire.
Le léopard des Pastef : entre rupture et brutalité
Depuis 2024, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité sont au pouvoir, et avec eux, un nouvel imaginaire : la panthère noire ou le léopard, symbole omniprésent dans la communication de ses partisans. Cet animal incarne la force, la vitesse, la ruse, la méchanceté, mais aussi la prédation.
S’il a voulu incarner incarner la résistance, Ousmane Sonko savait-il que le léopard est un animal prédateur solitaire qui se nourrit exclusivement de chair et de sang, qui attaque par surprise, frappe vite, et traîne ses proies dans l’ombre pour les déchiqueter ? Dans le contexte actuel du Sénégal, ce symbolisme n’est pas anodin et le fait que les Pastef n’existent plus en tant que formation politique n’y est sans doute pas étranger.
Car le léopard, c’était également le symbole d’un autre leader africain : Mobutu, le tyran sanguinaire, mais allié fidèle de l’Occident, en République démocratique du Congo. Alors que le Sénégal vit sous tension (intimidations contre des journalistes, traque des opposants, tentatives d’embrigadement des jeunes et culte du chef), les mauvais côtés du léopard ressurgissent.
Quand les symboles trahissent le fond
La politique est une affaire de vision, mais aussi de signes. Le PS a voulu instruire. Le PDS a voulu libérer. L’APR a voulu construire. Le parti des Pastef, lui, semble vouloir dominer, tant le léopard est le symbole du pouvoir. Le danger, c’est que l’animal qui gouverne ne sache que bondir et frapper en oubliant que l’État, ce n’est pas une proie, mais un patrimoine collectif à gérer avec justice et responsabilité. L’heure est venue pour les Sénégalais de repenser non seulement les programmes politiques, mais les valeurs que nous projetons à travers nos symboles. Car derrière un logo se cache souvent une idéologie. Et derrière une idéologie, un avenir.