Le président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, a décidé ce lundi de dissoudre l’Assemblée nationale, qu’il considère comme « un espace de guérilla politique et de complots ». Depuis, les opposants sont à couteaux tirés, se blâmant mutuellement.
Après la décision d’Umaro Sissoco Embaló, ce lundi, de dissoudre le parlement, il parait évident que le chef d’Etat de Guinée-Bissau n’hésite pas à mettre ses menaces à exécution. Embaló a aussi déclaré que des élections législatives anticipées auraient lieu cette année, afin de résoudre « la crise politique qui a épuisé le capital de confiance entre les institutions souveraines ».
Pour l’opinion publique bissau-guinéenne, la dissolution du parlement était à la fois nécessaire pour résoudre l’impasse qui oppose le législatif à l’exécutif. Mais d’un autre côté, parait opportuniste de la part d’Umaro Sissoco Embaló, qui chercherait à « diviser pour mieux régner ».
En effet, au sein du parlement, l’ancien parti unique, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) est majoritaire. Le parti historique d’Amílcar Cabral, dirigé aujourd’hui par l’ancien Premier ministre Domingos Simões Pereira – perdant de la dernière élection présidentielle contre Embaló – est en train d’imploser.
Non seulement Umaro Sissoco Embaló a ordonné l’interdiction de la tenue du congrès du PAIGC à trois reprises, mais au sein du parti, une coalition favorable au président est en train de se former. Une échauffourée politique des plus banale, donc, mais qui était devenue compliquée depuis la tentative de coup d’Etat contre Umaro Sissoco Embaló, en février dernier.
Comment Embaló désintègre le PAIGC
En effet, Domingos Simões Pereira est depuis la tentative de putsch sous le coup d’une enquête pour sa possible participation. Le PAIGC a donc été interdit de tenir son congrès le 17 février, puis le 10 et le 17 parsmars. Le siège du parti, aujourd’hui dans l’opposition, se trouvant en face du palais présidentiel.
Domingos Simões Pereira, placé sous contrôle judiciaire puis interdit de voyager, accuse Umaro Sissoco Embaló d’instrumentaliser la justice. Mais au sein du parti de l’ancien Premier ministre, des élus et des responsables du PAIGC, dirigés par le militant Bolom Conté, s’opposaient également à la tenue du congrès du parti. Conté est réputé par sa proximité du chef de l’Etat, c’est aussi l’un des premiers rivaux de Pereira, et l’ennemi politique de l’ancien président José Mario Vaz.
Au milieu de cette guerre intestine au sein du PAIGC, qui date d’avant la tentative de coup d’Etat, les députés du parti entravent le travail du parlement où ils détiennent la majorité. A vrai dire, l’élection d’Umaro Sissoco Embaló début 2020 était une surprise.
De plus, en Guinée-Bissau, mis à part José Mario Vaz, aucun président n’a réussi à finir son mandat. Le pays a connu de nombreux coups d’Etat militaires. Umaro Sissoco Embaló, lui, compte beaucoup sur le soutien de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), pour stabiliser le pays.
« Il y a un seul chef : le président de la République. Les autres exécutent, c’est comme ça »
En effet, depuis la tentative de putsch à l’encontre d’Embaló, le 1e février dernier, le président bissau-guinéen a demandé l’envoi d’une force de stabilisation des Casques Blancs de la Cedeao en Guinée-Bissau. Une demande qui sera sans doute acceptée, Umaro Sissoco Embaló étant très proche des présidents du Sénégal et du Nigéria, Macky Sall et Muhammadu Buhari. Même si Embaló est considéré comme le mouton noir de la Cedeao – il estime que l’instance est « un syndicat des chefs d’Etat » –, les forces de l’Ecomog de la Cedeao sont en majorité composées de soldats nigérians et sénégalais.
Sur le plan national, aussi, Umaro Sissoco Embaló planifie une réforme de la Constitution. Une réforme qui donnera, selon le président bissau-guinéen, de larges pouvoirs au parlement. S’il décide aujourd’hui, donc, de dissoudre le parlement, c’est sans doute dans le but que sa coalition, Madem G-15, soit plus représentée.
D’ailleurs, en septembre dernier, Umaro Sissoco Embaló avait écarté le coordinateur de son parti Braima Camará du pouvoir. Embaló avait déclaré à cet effet : « Il (Camará) fait de la politique. Moi, je dis que la pagaille et le désordre n’ont plus cours en Guinée-Bissau. Il y a un seul chef : le président de la République. Les autres exécutent, c’est comme ça ».