Une combinaison de facteurs nigérians et nigériens réduit les perspectives d’intervention militaire de la Cedeao au Niger, malgré les menaces de l’organisation ouest-africaine.
L’espoir d’une résolution rapide du coup d’État au Niger ou d’un éventuel recours à la force par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour libérer le président nigérien Mohammed Bazoum et le rétablir au pouvoir s’amenuise.
Les dirigeants de la Cedeao ont lancé un ultimatum à la junte militaire nigérienne pour qu’elle cède le pouvoir dans les sept jours suivant le 30 juillet, sous peine d’une intervention militaire.
La date limite du 6 août est passée et sans que les putschistes ne bougent. La Cedeao se réunit à nouveau le 10 août pour discuter de la situation au Niger. Cependant, les espoirs d’une intervention militaire de la Cedeao sous l’égide du Nigeria au Niger semblent aujourd’hui bien minces.
La première indication qu’il serait difficile de rétablir immédiatement la démocratie dans le pays est apparue lorsque les manifestations de soutien au coup d’État ont commencé.
Une attaque contre l’ambassade de France à Niamey a été suivie de manifestations au quotidien en soutien au coup d’État. L’ampleur des manifestations s’est accrue de jour en jour.
Il y a aussi une montée du sentiment anti-francais, avec de plus en plus de personnes soutenant la junte.
Le Niger partage une frontière avec sept pays de la région, dont quatre membres de la Cedeao. Parmi ces quatre pays, le Mali et le Burkina Faso ont été suspendus en raison de coups d’État similaires.
Ces deux pays ont menacé de soutenir le Niger si la Cedeao tente de recourir à la force. Les deux autres pays de l’organisation régionale frontaliers du Niger sont le Nigeria et le Bénin. En dehors de la Cedeao, le Tchad et l’Algérie ont tous deux exclu toute participation à une action militaire et la Libye est engluée dans ses propres défis à relever.
La probabilité d’une intervention militaire a encore diminué lorsque les sénateurs nigérians ont rejeté l’idée. Ils ont plaidé pour l’utilisation d’“autres moyens” que la force. Le Nigeria est le plus grand pays de la Cedeao et le principal financier de l’organisation régionale.
Il sera difficile pour la Cedeao de mener une intervention militaire sans le soutien total du Nigeria. En tant que spécialiste de la politique et des relations internationales, j’ai fait des recherches sur les implications des bases militaires étrangères au Niger. J’ai également analysé le rôle joué par le Nigeria dans des organisations régionales telles que la Cedeao et la force multinationale mixte dans la région.
Je pense que la réticence des hommes politiques nigérians à soutenir une intervention militaire, conjuguée au soutien local croissant à la junte nigérienne, rendra le recours à la force presque impossible. La CEDEAO n’a donc pas d’autre choix que de rechercher une solution diplomatique.
Pourquoi une intervention militaire est improbable
Il y a trois raisons principales qui font que le recours à la force devient de plus en plus improbable.
Tout d’abord, la popularité croissante des putschistes dans le pays est une source d’inquiétude. La multiplication des manifestations de soutien au coup d’État montre que celui-ci est plus largement accepté qu’on ne l’avait envisagé.
Des centaines de jeunes ont rejoint le personnel militaire pour monter la garde à l’entrée de Niamey. Certains de ces jeunes ont promis de rejoindre l’armée pour lutter contre toute incursion.
Deuxièmement, les politiciens du Nigeria et du Ghana craignent que toute intervention militaire n’entraîne une catastrophe humanitaire, ce qui déstabiliserait davantage la région. Les politiciens du Nigeria soutiennent que toute guerre au Niger aura des conséquences graves sur le nord du Nigeria, une région déjà éprouvée par une insurrection.
Outre l’organisation terroriste islamiste Boko Haram, qui a ravagé le nord-est du pays, les affrontements entre agriculteurs et éleveurs ont également déstabilisé d’autres régions du nord du Nigeria.
Sept États nigérians ont des frontières communes avec le Niger. Une attaque contre le Niger entraînerait un afflux massif de réfugiés au Nigeria. Cela a créé de l’angoisse dans le nord du Nigeria. Le président Bola Tinubu, qui n’a pris ses fonctions que récemment, aura du mal à ignorer les sénateurs de la région qui ont rejeté toute intervention militaire.
Troisièmement, le Niger a combattu le terrorisme dans la région et a été un partenaire fiable. Le pays est membre de la Force multinationale mixte et du G5 Sahel, deux organisations clés chargées de lutter contre le terrorisme et les trafics dans la région.
Une intervention militaire au Niger, qui pourrait déboucher sur une guerre totale, renforcerait les groupes terroristes. Elle conduirait également à ce que des soldats qui combattaient auparavant côte à côte contre les groupes terroristes se retrouvent à se battre les uns contre les autres.
Avec la province de l’Afrique de l’Ouest de l’État islamique, affiliée à L’Etat islamique (EI), opérant déjà dans la région, une attaque contre le Niger pourrait créer une situation similaire à celle qui s’est produite en Syrie. L’EI a profité des combats en Syrie pour établir un califat en 2014.
La voie à suivre
Une intervention militaire pour rétablir la démocratie au Niger étant peu probable, la diplomatie reste la seule solution.
Le chef de facto, le général Abdourahamane Tiani, était sur le point d’être révoqué en tant que chef de la garde présidentielle avant le coup d’État. De nombreux hauts gradés du pays sont impliqués dans la mutinerie et il est pratiquement impossible qu’ils puissent travailler à nouveau avec Bazoum. Ils pourraient être jugés pour trahison, ce qui est passible de la peine de mort au Niger.
Comme je l’ai expliqué ailleurs, la mutinerie a été en partie le résultat de la présence importante de troupes militaires étrangères dans le pays. Elle a encore affaibli les relations entre l’armée nigérienne et la France.
La junte militaire a annulé la coopération militaire avec la France.
Si Bazoum est libéré et rétabli dans ses fonctions de président, il devra écarter plusieurs chefs militaires qui ont participé au coup d’État ou renégocier l’alliance militaire du Niger avec la France. Ces deux options présentent de nombreuses difficultés.
L’option diplomatique la plus probable est que la Cedeao négocie une courte période de transition avec la junte militaire. Cela inclura un retour rapide à un régime démocratique.
Cela permettra d’apaiser les tensions et de rassurer les partenaires à l’intérieur et à l’extérieur de la région. Compte tenu du niveau de soutien que la junte a reçu de la part du public nigérien et de l’extérieur du pays, les négociateurs de la Cedeao doivent être ouverts à des concessions.
Des pays tiers ayant des intérêts moindres au Niger doivent mener ces négociations et la France doit être disposée à modifier sa relation avec le pays pour en faire une relation mutuellement bénéfique. À l’heure actuelle, les Nigériens considèrent que la France exploite leur pays et souhaitent mettre un terme à leur relation de longue date.
En définitive, il n’y a pas de solution facile à l’impasse dans laquelle se trouve le Niger.
Olayinka Ajala, Senior lecturer in Politics and International Relations, Leeds Beckett University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.